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Chroniques
Vicente Martin y Soler
L’arbore di Diana | L’arbre de Diane
En 1787, alors qu’approchent les noces de Marie-Thérèse d’Autriche avec le prince Anton Clément de Saxe, Martín y Soler (1754-1806) reçoit commande d’un opéra pour le 1er octobre. Fraîchement arrivé de Venise à Vienne, le compositeur a peu de temps pour écrire la musique, de même que Lorenzo Da Ponte pour en fournir le livret – d’autant que ce dernier, d’après son témoignage, travaille déjà sur deux ouvrages majeurs de Mozart (Don Giovanni, créé à Prague le 28 octobre) et Salieri (Axur, re d’Ormus, version italienne de Tarare, créé à Vienne le 8 janvier 1788). Comme l’explique Mariateresa Dellaborra dans la brochure accompagnant cette captation barcelonaise d’octobre 2009, « il semblerait que la sujet de L’arbore di Diana ait été choisi par Da Ponte, à la recherche d’un thème intéressant, adaptable aux douces mélodies typiques du compositeur, mais difficile à imiter ».
Déchiqueté par ses propres chiens après avoir surpris la nudité de Diane, Actéon a reçu une cruelle leçon : on ne plaisante pas avec la déesse de la chasteté ! Dans un jardin – où se déroulent les deux actes du dramma giocoso mis en scène avec beaucoup d’humour par Francisco Negrin –, celle-ci possède d’ailleurs un arbre dont les fruits changent de couleur lorsque s’en approche une de ses nymphes ayant péché, aussitôt punie. Le jeune Eros s’en offusque et décide, grâce à trois solides gaillards de passage, de réchauffer un peu l’ambiance… – depuis L’Incoronazione di Poppea (1642), on sait combien Amour aime rivaliser avec Vertu et Destin.
Satisfait d’une histoire « voluptueuse sans tomber dans la lascivité », Da Ponte ne cherche évident pas à choquer avec ce drame pastoral aux ingrédients buffa (déguisements, quiproquos, etc.) déjà largement présents dans Il burbero di buon cuore, l’année précédente [lire notre critique du DVD]. Que certains le ressentent comme un « mélange abominable d’obscénités et d’horreurs, une orgie infâme particulièrement inappropriée comme cadeau de noces », n’empêche pas la majorité du public de bien accueillir l’ouvrage, sans doute conscient des allusions politiques sous-jacentes – Amour incarnant l’empereur Joseph II en train de réformer la monarchie.
Face à un trio de nymphes léger autant qu’agile – Ainhoa Garmendia, Marisa Martins, Jossie Perez –, voici trois chanteurs bien connus : Marco Vinco (Doristo solide, dont réjouissent les récitatifs au cordeau et l’allure de satyre), Steve Davislim (Endimione à la ligne pure, qui s’assouplit après un début parfois raide) et Charles Workman (Silvio bien décevant, sauf lors de sa métamorphose en oracle Alcindo, à la voix synthétique). Vaillante, Laura Aikin propose nuances et legato séduisants, de même qu’un timbre jamais agressif. Tout aussi irréprochable s’avère Michael Maniaci, Amore délicieux aux vocalises précises. En fosse, Harry Bicket dirige l’Orquestra Simfònica dei Gran Teatre del Liceu – aux cordes toniques – avec vivacité et élégance.
LB