Recherche
Chroniques
Vincent Borel
Jean-Baptiste Lully
Fils de meunier florentin – comme le rappelle facilement ses ennemis –, ce n'est pas au vent mais au Soleil que Jean-Baptiste Lully doit fortune et renommée. Né le 28 novembre 1632 sous le nom de Giovanni Battista Lulli, l'adolescent sort de l'ombre en entrant au service de la Grande Mademoiselle, nièce de Louis XIII, bientôt condamnée à l'exil pour avoir soutenu La Fronde. Répétiteur d'italien, pitre et baladin, c'est dans une époque hostile à son pays d'origine (donc à Mazarin, aux castrats, etc.) qu'il se forme au style musical français en général, à l'orgue et au clavecin en particulier. Après une première composition datant de 1652, il devient le compositeur préféré de Louis XIV qui lui épargne d'acheter une charge, lui accorde la création des Petits violons et lui pardonne ses effronteries. Moins de dix ans plus tard, en même temps qu'il est nommé surintendant de la Musique, Lulli devient Lully et collabore avec Molière pour la conception de comédies-ballets dispendieuses.
En 1669, l'officialisation de l'opéra entraîne le compositeur, bon connaisseur de Cavalli, vers de nouvelles recherches… et richesses. Grâce au travestissement de cette invention italienne, malgré intrigues et cabales pour le faire chuter, le zénith de sa carrière est atteint de 1673 à 1683. Dans une cour qui se rapproche de Dieu avec son roi, il faudrait la mort de Colbert (un appui) et celle de la reine (imposant un deuil fatal aux spectacles sensuels) pour fragiliser le créateur avant sa disparition, en 1687.
Nous l'avons déjà signalé : souvent liées à l'actualité parisienne, les livraisons de la collection Actes Sud / Classica, sont de qualité très variable. Mais l'année commence avec un bon cru. Outre qu'il nous présente un portrait attachant de l'artiste, Vincent Borel parvient à nous intéresser aux évolutions politico-esthétiques de l'époque. Au détour d'un paragraphe, il évoque avec concision les vies de Benserade et Quinault (premiers librettistes de Lully), l'histoire des Violons de la Chambre du Roi, l'origine du ballet de cour et la professionnalisation de la danse, etc. Le dernier chapitre, résumant l'héritage économique et culturel du musicien, clôt un livre brillant comme un essai, passionnant comme un polar.
LB