Chroniques

par samuel moreau

Vincenzo Bellini
Beatrice di Tenda | Béatrice de Tende

2 DVD TDK (2006)
DV-OPBDTM
une production de l'Opernhaus Zürich, filmée en décembre 2001

« La musique de Bellini vient du cœur et entretient un rapport intime avec le texte. » Ainsi parlait Richard Wagner d'un confrère dont il fallut attendre la seconde moitié du XXe siècle – encore merci à Maria Callas ! – pour que des œuvres comme la tragédie lyrique Beatrice di Tenda soient redécouvertes et montées. En effet, alors que Rossini et ses prédécesseurs pouvaient, grâce à une composition formelle, finir un ouvrage en une semaine, Vincenzo Bellini (1801-1835) prend son temps : au delà de la sobriété des passages orchestraux, des chœurs emphatiques, des solistes grandiloquents, on reconnaît son style au soin d'adapter davantage la musique aux caractéristiques et aux sentiments de ses personnages. La précision et l'harmonie sont ses chevaux de bataille et, comme le rappelle le maestro Marcello Viotti dans un documentaire bonus d'une trentaine de minutes, même si le drame compte assez peu à l'époque, le phrasé bellinien, son art de la variation, ne sont pas à regarder de haut.

Bellini a déjà écrit quelques-uns de ses succès quand il se penche sur un sujet médiéval, inspiré d'un événement historique. Le 16 mai 1412, Giovanni Maria Visconti, duc de Milan, est victime d'une conspiration. Beatrice de' Lascari (ou di Tenda), la veuve d'un capitaine qui vient de mourir, prend la relève du commandement de l'armée. Grâce à elle, Filippo, frère de Giovanni, parvient à écraser les rebelles et à reconquérir le duché. Tout deux finissent par se marier. Mais six ans plus tard, Filippo tombe amoureux d'Agnese del Maino. Dans le but d'annuler leur union, il accuse sa femme d'avoir une liaison avec le courtisan Michele Orombello. L'innocente victime sera décapitée dans la nuit du 13 au 14 septembre. À son librettiste Felice Romani, le musicien demanda de soigner le portrait d'une femme douce et fragile, qui fait dignement face à son destin tragique. Débarrassée de la virtuosité vocale qui avait plu dans Norma (1831), l'œuvre connaît un échec retentissant (mais de courte durée) à sa création vénitienne, le 16 mai 1833.

Cette production de l'Opernhaus Zürich, filmée en décembre 2001, séduira les amateurs de bel canto mais décevra ceux de belles reconstitutions historiques. Par ses costumes et ses volumes architecturaux – une structure tournante à escaliers et plateformes, qui offre différentes possibilités de lieux durant le premier acte –, nous sommes à la frontière des XIXe et XXe siècles. Dans cet espace assez impersonnel, la direction d'acteurs se révèle malheureusement sans surprise, voire indigente, d'autant qu'Edita Gruberova (le rôle-titre) semble assez extérieure au propos. Si la voix est large, les aigus remarquables d'agilité, le timbre s'avère souvent agressif, le legato peu assuré et le chant imprécis. Plus expressive, souple, nuancée s'avère sa rivale Agnese, incarnée par Stefania Kaluza. Michael Volle (Visconti) possède une voix ferme, bien projetée, bien articulée. Même voix saine pour Raúl Hernández (Orombello), raide par moments mais d'un timbre rond très caressant.

SM