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Chroniques
Vincenzo Bellini
Norma
Dans le cœur de la grande prêtresse Norma comme dans la vie de ses frères gaulois, il est un temps pour la paix et un temps pour la guerre. Entretenant une liaison secrète avec le proconsul romain Pollione, craignant pour la vie de celui qui est également le père de ses deux enfants, Norma ne donne pas le signal tant attendu de la révolte contre l'envahisseur. Survient l'aveu d'Adalgisa, jeune druidesse du temple courtisée par le proconsul et que la menace d'un enlèvement n'effraye qu'un moment. Telle Médée avant elle, mais sans y parvenir, Norma projette la mort de ses enfants, puis déclenche la révolte dont son amant et elle seront les victimes. Wagner avouait ne connaître « aucune peinture de l'âme aussi accomplie que celle de cette prêtresse gauloise impétueuse, que l'on voit traverser toutes les phases de la passion, allant jusqu'à se résigner à une mort héroïque. »
L'opéra de Bellini fut créé à Milan le 26 décembre 1831, d'après une pièce d'Alexandre Soumet montée à Paris la même année. Mais le compositeur et son librettiste Felice Romani délaissent le personnage original sombrant dans la folie et l'infanticide pour une femme qui ne quitte pas la vie sans choisir le bien-être de ceux qui restent. Riche d'une carrière de trente-cinq productions, Francesco Negrin accorde ici une grande importance à la direction des chanteurs, au décor (de la pierre gravée ou peinte), ou encore à la lumière (lune bleutée). Pour lui, Bellini adoucit le destin de Norma par souci des conventions et il préfère retrouver l'aspect épique de l'œuvre, son lien direct avec la tragédie grecque.
Filmée à Barcelone en 2007, sa mise en scène (en coproduction avec Genève) réserve de belles surprises vocales. Si les hommes s'en sortent sans grand honneur, à part Jon Plazola incarnant Flavio d'une voix claire et juvénile – Vincenzo La Scola livre un Pollione avare en nuances, aux ports de voix vulgaires et à l'aigu terne à force d'effort, tandis qu'Andrea Papi (Oroveso) s'avère robuste mais instable –, il y a peu à redire du côté des femmes.
Dans le rôle-titre, Fiorenza Cedolins propose un chant adroit, agile et élégant, au grave puissant et à l'aigu nuancé. Face à elle, Sonia Ganassi (Adalgisa) ne démérite pas : sachant canaliser ses moyens avec intelligence et délicatesse, le mezzo offre ampleur vocale, souplesse et onctuosité. Déjà applaudies avec chaleur – on allait dire reconnaissance – au terme du duetto Mira, O Norma de l'Acte II, les deux artistes saluent leurs admirateurs sous une pluie de fleurs. Leur triomphe doit une part à Giuliano Carella qui dirige avec relief et énergie l'Orchestre du Gran Teatre del Liceu – dont les traits solistiques s'affirment impeccables.
SM