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Chroniques
Vincenzo Bellini
I Puritani | Les Puritains
Les droits d'auteur musicaux cessent au bout de cinquante ans et tombent alors dans le domaine public. C'est ainsi que de nombreuses compagnies comme Naxos préparent et distribuent des rééditions libres de droit d'enregistrements studio ou live antérieurs à 1954 (puisque nous sommes en 2004). EMI qui détient l'exclusivité des enregistrements studio de la Callas a de quoi s'inquiéter, d'autant plus que ses tentatives juridiques pour en prolonger les droits sont restées infructueuses. Par ailleurs, dès les années quatre-vingt dix, l'éditeur londonien s'est empressé d'acquérir les droits des plus beaux enregistrements de la Divine, pris sur le vif, tentant ainsi d'en légitimer son legs discographique. Dans le cadre des rééditions régulières de ses collections, il les avait ressortis, remastérisés et enrichis d'une belle iconographie.
Le voilà donc attaqué ici sur plusieurs fronts, avec deux enregistrements légendaires de référence, Macbeth [lire notre critique du CD] et I Puritani, que l'éditeur allemand Membran propose sous forme de coffrets extra-plats, à prix doux, sans livret mais avec quelques photos de la Callas (I Puritani). La qualité sonore de ces rééditions est du même niveau que celles d'EMI. Les textes spartiates des notices n'existent qu'en allemand et en anglais seulement.
Tout d'abord, même s'il n'y ait fait aucune référence, c'est bien l'enregistrement studio d’I Puritani effectué en mars 1953 par EMI, qui a servi de master. Maria Callas n'a donné, cette année-là, aucune représentation scénique de l'œuvre et, de plus, la distribution est rigoureusement identique. Rappelons que cet enregistrement, hautement recommandable, nous propose la diva légendaire à son zénith. Depuis sa Gioconda de 1947 à Vérone, la Callas a littéralement dévoré les plus grands rôles du répertoire, interprétant, entre autres, Gioconda, Turandot, Isolde, Brünnhilde, Kundry, Norma, Lucia, Aïda, et mettant sa voix à dure épreuve. C'est le deuxième enregistrement qu'elle effectue pour EMI après La Gioconda parue l'année précédente, et ce qu'on y entend est proprement exceptionnel. Elle a toutes les qualités qu'on aurait espéré lui voir conserver tout au long de sa carrière : une technique hors pair, une exceptionnelle étendue vocale sans duretés ni vibratos, une extrême intensité dramatique et surtout une attention scrupuleuse à respecter texte et partition. Elle sait alléger sa voix pour composer une jeune ingénue, virgin vezzosa (vierge vertueuse), loin des fulgurances de Lady Macbeth ou de Tosca. Le rendetemi la speme du second acte, exemplaire de justesse et d'émotion, demeure un moment d'anthologie absolue.
On sait combien la Divine a eu à cœur de réhabiliter Vincenzo Bellini, jusque-là bien négligé. Plus généralement, elle sut donner ses lettres de noblesse au bel canto et ouvrir la voie à toute une génération de chanteuses (Sutherland, Caballé, Sills, etc.). Son entourage se défend mieux que l'on aurait pu le craindre : en tête, un di Stefano toujours fâché avec la justesse et qui, s'il n'était maîtrisé d'une main de fer par un Serafin des grands jours, se laisserait bien aller à certains accents véristes. Pour l'aider, le grand maestro accepta même de transposer certaines notes difficiles... Rolando Panerai a bien du mal à vocaliser, tout en offrant à son personnage la noire noblesse requise, dans un style impressionnant. Le baryton italien, qui démarrera une carrière internationale juste après cet enregistrement, retrouvera la Callas pour un Trouvère de légende avec Karajan. Partenaire à la scène de la diva qu'il révéla au grand public, la basse Nicola Rossi-Lemeni n'hésite pas à charger de vérisme ses interventions, d'une voix royale. Le gendre de Tullio Serafin était l'une des plus fameuses basses italiennes de l'époque, maîtrisant parfaitement de nombreuses langues, d'une stature, d'une étendue et d'une puissance vocale exceptionnelles.
Regrettons, pour finir, les nombreuses coupures effectuées sans raison dans la partition, nous privant de plus d'une demi-heure de musique. Pour une version complète et de belle tenue globale, le lecteur retrouvera le duo Sutherland-Pavarotti chez Decca.
MS