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Chroniques
Wolfgang Amadeus Mozart
La finta giardiniera | La fausse jardinière
Une fois encore, les courriers de Léopold à sa femme et ceux de Wolfgang Amadeus à sa mère nous apprennent beaucoup sur la genèse des opéras de Mozart. Concernant La finta giardiera, dans un courrier munichois daté du 28 décembre 1774, le père parle d'un ouvrage dont on repousse la création de quelques jours, « afin que les chanteurs l'apprennent mieux et, lorsqu'ils auront la musique bien en tête, puissent jouer avec plus de sûreté, afin que l'opéra ne soit pas gâché ». Il insiste sur l'accueil favorable fait à la musique, notamment de la part d'acteurs pas trop mal disposés. Quant au fils, il raconte les détails de la première représentation :
« Mon opéra a été joué sur scène hier, le 13, et ce fut une telle réussite que je suis dans l'impossibilité de décrire à Maman le bruit que cela fit. Premièrement, tout le théâtre était si bondé que beaucoup de gens ont dû repartir. Après chaque air, il y eut à chaque fois un vacarme effrayant d'applaudissement et de viva maestro. [...] Une fois l'opéra fini, dans le temps où l'on fait silence en attendant que le ballet commence, ce ne fut qu'applaudissements et bravos ; à peine cela s'arrêtait que cela recommençait, et ainsi de suite. »
Dans ce dramma giocoso en trois actes, la hiérarchie sert de support à l'action des personnages (base du principe comique) et justifie toute disposition personnelle, toute insatisfaction, toute velléité d'ascension. Dans ce décor de villégiature, dès le chœur d'entrée, tous simulent le bonheur en révélant tour à tour leur blessure secrète – d'amour, évidemment, dont Tobias Moretti dit qu'on n'en voit pas ici le triomphe, mais la vulnérabilité et la dureté. Par un dosage réussi de gags efficaces et d'abandon à l'émotion (cavatine Geme la tortorella), le metteur en scène sait rendre crédible et attachant le moindre protagoniste de cette errance sentimentale, enregistrée en février dernier à Zurich.
Dans le rôle de la marquise déguisée en jardinière, Eva Mei, comme souvent, impressionne par la souplesse de sa voix et une présence toute simple. Avec un chant bien mené et évident, Isabel Rey (Arminda) séduit de même. Par son timbre riche, la Serpetta de Julia Kleiter ne passe pas inaperçue. Chez leurs partenaires masculins, des réserves s'imposent. En Podestat Don Anchise, Rudolf Schasching manque d'impact et Christoph Strehl, quoique nuancé, est un Belfiore pas toujours juste. Liliana Nikiteanu (Il Cavalier Ramiro) et Gabriel Bermudez (Roberto/Nardo) sont expressifs. Faisant entendre toute la rugosité des instruments d'époque lors des tutti, Nikolaus Harnoncourt dirige La Scintilla avec beaucoup de relief.
LB