Chroniques

par bertrand bolognesi

Wolfgang Amadeus Mozart
Concerti pour piano K.271 n°9 – K.456 n°18

1 CD EMI Classics (2004)
5 57803 2
Wolfgang Amadeus Mozart | Concerti pour piano n°9 – n°18

Après Grieg, Nielsen, Chopin, Schubert, Liszt ou encore Janáček, c'est Mozart qui est aujourd'hui à l'honneur du nouvel enregistrement de Leif Ove Andsnes. Un Mozart particulier à plus d'un titre ! Pour commencer : c'est, de mémoire, la première fois que le pianiste norvégien dirige pour le disque, et combien talentueusement ; ensuite, il reste étonnant que toute la poésie à laquelle il nous a habitués dans ses interprétations soit si présente dans les deux concerti ; enfin, les options de tempo tout à fait personnelle forceront l'enthousiasme.

Prenant judicieusement en compte le renouveau du baroque et les expériences réussies qui ont pu à sa suite être menées sur les concerti et symphonies de Beethoven (notamment par Hogwood), Leif Ove Andsnes a choisi une sonorité d'une grande délicatesse, assez évidemment proche de celle du clavecin, égrenée dans un grand raffinement, pour le Concerto en si bémol majeur K.456 n°18. L'Orchestre de Chambre Norvégien n'est pas en reste : l'Allegro vivace démontre tout simplement l'excellence des vents, et le relief obtenu dans le troisième mouvement n'aurait pas été possible avec des instrumentistes moyens. Avec l'Andante un poco sostenuto, le pianiste amorce la mélodie très tendrement, sans tomber dans le piège romantique de beaucoup, contrastant à peine avec la précarité volontaire du son des cordes, un trait dont la discrète mélancolie force l'écoute. Rien de dramatique, ici : c'est avec une sorte d'amabilité que cette musique est jouée, moins anodine cependant qu'on pourrait le croire (ni sentimentalisme ni mièvre mignardise).

Plus passionnante encore s'avère l'interprétation du Jeune homme, soit le Concerto en mi bémol majeur K.271 n°9. Dès l'Allegro, on goûte le bel équilibre obtenu entre soliste et orchestre, un soliste qui ne fera jamais vraiment cavalier seul, dans ce disque. Et même dans ses soli proprement dits, la couleur rappellera précieusement – dans le bon sens du terme – la clarinette ici, le basson là, etc. Depuis le clavier, Leif Ove Andsnes conduit une lecture qui accentue les cordes avec une élégance tonicité, avec un orchestre qu'il plie à un art de la nuance appréciable, obtenant un beau relief de la part des bois et une douceur exquise des cuivres. Lui-même sert sa partie par une digitalité extrêmement précise, faisant entendre dans le classicisme facétieux de Mozart, l'héritage des fils Bach. L'Andante central prend un caractère tragique de lamento d'opera seria, le piano s'exprimant dans une relative lenteur, toujours très contrôlée, évitant les rubati qui viennent souvent parasiter ce mouvement. Le Rondeau est abordé avec une vertigineuse régularité ! Sans déroger à l'exigence d'une sonorité ronde, le jeu affirme ici tout son brio.

On l'a vu ces dernières années : un jeune pianiste qui prend la baguette n'a pas systématiquement la main heureuse. Celui-ci offre un travail splendide, d'une musicalité attachante.

BB