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Chroniques
Wolfgang Amadeus Mozart
pièces pour piano
Passavant Music nous livre là une galette d'une grande tenue. Deux sonates et deux séries de variations symétriquement distribuées autour de la Fantaisie en ut mineur K.475 y brossent un panorama de l'écriture pour piano solo de Wolfgang Amadeus Mozart, des années 1778 à 1789 environ. Les œuvres sont présentées dans l'ordre inverse de la chronologie de composition, ou peu s'en faut, incitant à retrouver dans l'écriture de la maturité, toute pénétrée de Sturm und Drang et de traits savants que ne renieront pas le préromantisme, la facture bien plus classique de celle du jeune homme, où une stylistique imprégnée de lieux communs le dispute à une inventivité plus discrète, pour solide qu'elle soit.
Ainsi que le rappelle Bernard Paul-Reynier dans l'éclairant livret présentant la livraison, il ne s'agit pas pour lui de peindre Mozart en ce révolutionnaire qu'il n'était pas, ou d'en faire le prophète rétrospectivement proclamé de la musique du siècle suivant, mais de retrouver un artiste au sommet de l'art de son époque : « Rien dans son langage qui n'ait existé dans un pays de l'Europe de son temps, mais lorsqu'il projette de dire quelque chose, il sait ce qu'il a à dire et le fait avec la meilleure adéquation possible ». Dès lors, « pourquoi ces formules, simples en apparence, conformes aux usages du style galant de l'époque, ne seraient-elles que banales ? ».
Le pianiste aborde ce programme avec un son rond, travaillé par une articulation soignée aussi attentive à la lisibilité des traits techniques qu'au décours fluide de la phrase. L'élégance n'en est pas toujours sans préciosité passagère, mais c'est là plus fidélité à un style que minauderie déplacée.
La Sonate en ré majeur K.576 n°17 s'ouvre ainsi sur un Allegro équilibré, sans emphase excessive, y compris à l'occasion des modulations centrales très savamment Sturm und Drang. Perlés tendres et phrasé délicat sont au rendez-vous de l'Adagio. Miniatures discrètes et rubato aérien y détourent une musique dont la profondeur s'écrit à même la peau du son. Savant quoique sans pose, le contrepoint liquide et sans ostentation de l'Allegretto semble écrit comme par mégarde, dans le respect d'une écoute détendue. L'ensemble est de fort belle tenue.
L'interprétation des Huit variations sur « Ein Weib ist das herrlichste Ding » K.613 – mais tout autant, des Douze variations sur « La Belle Française » K.353 – est fidèle aux intentions ironiques, chantantes ou dansantes de la partition. Les rubati, parfois robustes (var.4), et une main gauche très occasionnellement discrète (var.5), ne suffisent pas à en grever la dynamique. On y apprécie une réelle intelligence lyrique de la phrase – encore au rendez-vous de la Sonate en fa majeur K.332n°12 – une articulation ciselée jusque dans la légèreté des appoggiatures et un art affirmé de la non-pesanteur que valide une coda toute de sobriété.
Mais c'est tout particulièrement dans l'approche classique de la Fantaisie, sobre, clairement phrasée et accentuée, qu'une certaine affèterie de la phrase mozartienne nous est révélée comme art de n'imposer aucune trouvaille, sinon comme subordonnée à la clarté immédiate de l'écoute. La musique ultérieure défera cette synthèse de l'easy listening, si l'on ose, et de l'invention musicale – et l'on songe déjà à Schubert, dont les contraintes interprétatives semblent ici s'annoncer.
Au final, un disque élégant et travaillé dont nous ne regrettons que le choix des dernières œuvres – la production du jeune Mozart ne nous enthousiasmant que fort modérément.
MD