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Chroniques
Wolfgang Amadeus Mozart
airs d’opéra
Treize ans après la parution d’un premier récital consacré à Mozart, Sandrine Piau propose un nouveau florilège d’airs d’opéra du Salzbourgeois, autour d’héroïnes dites désespérées, cette fois. En fait, à la découverte du programme de cet album, l’auditeur constatera qu’à peine la moitié des pages choisies répond à ce critère. Ni Barbarina et Susana des Nozze di Figaro, ni Ilia d’Idomeneo ou Aminta d’Il re pastore ne peuvent être considérées comme réellement desperate.
Une fois passée cette coquetterie marketing, on mesure le chemin parcouru par notre soprano atypique depuis son précédent récital Mozart. La sélection effectuée par l’artiste relève du même esprit que celui qui avait présidé à la précédente, avec une alternance d’opéras de jeunesse et de maturité, écrits entre 1770 et 1787. Il re pastore, Lucio Silla, La finta giardiniera et Mitridate voisinent ainsi avec Idomeneo, Don Giovanni ou Le Nozze di Figaro.
Même si la voix de Sandrine Piau a gagné en maîtrise et en rondeur, elle n’a rien perdu de sa fraîcheur et de sa virtuosité. La Française, qui a débuté une carrière de soprano léger dans la musique religieuse baroque, livra une succession de bonheurs sur scène et au disque, par l’incarnation de très nombreuses héroïnes. Progressivement et fort intelligemment, elle sut faire évoluer sa voix vers des emplois plus lourds, sans que jamais cela ne se ressente. Ainsi, l’air bref mais irrésistible de Barbarina est chanté avec la même facilité que ceux de Susanna et de Donna Anna, présents dans cet album. Dans chacune de ses prestations, le soprano s’en sort brillamment, ornementant avec goût les numéros les plus baroques. Il n’y a rien à reprocher quant au maintien de la ligne de chant ni sur le charme indéniable de cette voix à part dans le monde lyrique. D’où vient alors la déception à l’écoute de ces pages pour la plupart très fréquentées ?
D’abord, ces airs qui n’ont pas grand-chose à voir ensemble forment un curieux assemblage. Intercaler Non mi dir, bell'idol mio (Donna Anna, Don Giovanni) entre l’aria de Barbarina (Le nozze di Figaro) et celui de Sandrina (La finta giardiniera) relève de l’absurdité. Il en va de même de l’air de Susanna placé entre celui d’Aspasia (Mitridate, re di Ponto) et du deuxième air de Sandrina. De plus, l’air de Barbarina, si joli soit-il, privé de la continuité de l’opéra s’arrête brutalement et de façon frustrante, alors qu’un petit arrangement orchestral final ne le défigurerait pas… Par ailleurs, à la tête d’un Mozarteumorchester Salzburg plutôt routinier la direction honnête mais sans magie d’Ivor Bolton n’aide pas vraiment la chanteuse à caractériser ces héroïnes désespérées… qui, du coup, ne le sont pas ! C’est beau, sans être réellement habité, plutôt indifférent. C’est vraiment dommage pour cette artiste pleine de talent que nous aimons beaucoup et qui manque là une occasion d’ajouter une référence à un important catalogue de réussites.
Enfin, proposer aujourd’hui un CD d’une durée de quarante-sept minutes semblera un peu chiche, surtout que les airs d’opéras de Mozart correspondant à cette thématique ne manquent pas. On se prend à rêver qu’avec une vingtaine de minutes d’airs supplémentaires, notre soprano se serait autrement épanoui.
MS