Chroniques

par katy oberlé

Wolfgang Amadeus Mozart
intégrale des quatuors avec flûte

1 CD Alpha (2015)
204
Avec le Quatuor Voce, la flûtiste Juliette Hurel joue Mozart

Oui, j’aime Mozart, c’est comme ça ! Et plus le temps passe, moins je changerai. C’est mon goût, il vaut ce qu’il vaut, mais c’est le mien. Mais plutôt que de vous parler voix, ce sera musique de chambre, cette fois, puisque le label Alpha édite un très beau disque consacré aux quatre quatuors avec flûte.

Stupéfié par l’excellence et la discipline des instrumentistes de l’orchestre de cour de Mannheim, alors fort réputé, le génial garnement autrichien imagine de contribuer à ce genre dont le principal champion est Johann Christian Cannabich (1731-1798). Né dans la Quadratestadt, ce fils de flûtiste avait lui-même joué dans le fameux orchestre, dès l’âge de douze ans, avant de parfaire son savoir musical à Rome et à Paris. Revenu au pays, il remplace Stamitz à sa tête en 1774, de sorte que Mozart, qui séjourne à Mannheim durant l’hiver 1777-1778 avant de gagner Paris, se lie d’amitié avec lui. Le jeu des cooptations va si bon train que voilà bientôt notre illustre perruqué (au masculin, oublions le molosse maquillé) sollicité par un flûtiste du dimanche, riche médecin de la florissante et peu scrupuleuse Vereenigde Oostindische Compagnie, en activité de 1602 à 1799. Ce Monsieur Dejean (1731-1797) fut donc l’heureux commanditaire des concerti K.313 et K.314, mais aussi des deux premiers quatuors avec flûte.

L’élégance du jeu de Juliette Hurel s’impose tout de suite. Elle chante avec bonheur l’Allegro du Quatuor en ré majeur K.285 n°1, puis enchante avec le mélancolique Adagio tellement italien dont le legato s’enroule sur le pizzicato impeccable et discret d’une guitare aussi simple que virtuelle. La fluidité du Rondeau, avec les échanges souriants des cordes, fait tout bonnement plaisir ! De l’Andante du Quatuor en sol majeur K.285a n°2 de ces mêmes années, les interprètes font entendre une couleur déjà schubertienne, à l’instar de la Fantaisie en ut mineur K.475 que Mozart écrirait pour le pianoforte six ou sept ans plus tard. Une noblesse de ton infléchit ce long mouvement, où admirer la grâce de la flûtiste autant que l’équilibre du Quatuor Voce, plus délicat encore dans le Menuetto pudiquement fleuri. Ici la virtuosité ne plastronne pas : évidente, elle va son cours, bonasse.

D’après Corinne Schneider qui signe la brochure du CD [sur la musicologue, lire nos critiques de Reflets schubertiens, Le surnaturel sur la scène lyrique et notre chronique du 3 février 2013], il n’y a pas lieu de dater le Quatuor en ut majeur K.285b n°3 de la même période, comme autrefois convenu, mais de la création munichoise d’Idomeneo, au tout début de l’année 1781. En deux mouvements, comme le précédent, ce troisième quatuor paraît d’emblé plus audacieux, avec une danse d’Ouverture dans laquelle il semble ne jamais vouloir s’installer. On goûte la précision des membres du Voce : Lydia Shelley au violoncelle, Cécile Roubin et Sarah Dayan aux violons – ah, les trilles croisés, graciles, de la modulation mineure –, sans oublier le talentueux Guillaume Becker dont l’alto fait merveille dans les variations de l’Andantino. C’est malgré tout ce second mouvement du K.285b qui convainc le moins, fièrement tenu mais trop gardé dans une nuance relativement terne.

Autres variations, plus célèbres : celles de l’Andante qui ouvre le Quatuor en la majeur K.298 n°4, écrit à Vienne vers 1786 ou 1787, par lequel le compositeur trentenaire renoue avec une structure en trois épisodes, quasi pot-pourri d’airs alors connus. Après le bref Menuetto à l’effronterie bonhomme, c’est un Rondeau plein d’esprit que livrent Juliette Hurel et le Quatuor Voce, en parfait accord avec la curieuse indication Allegretto grazioso, ma non troppo presto, però non troppo adagio, così-così, con molto garbo ed espressione – fripon, va !

KO