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Chroniques
Wolfgang Amadeus Mozart
La clemenza di Tito | La clémence de Titus
À la question de pourquoi laisser aux personnages le destin ouvert, sans véritable fin, J.M.G. Le Clézio répondait que « les vies n'ont pas de fin et donc je ne vois pas pourquoi les textes en auraient ». Elles doivent se terminer par la mort quand même, lui fit-on remarquer. « Oui, reconnut l'auteur, mais est-ce que la mort est une fin ?... En lisant le livre de Madame Bizot (Âme qui vive), on a l'impression que ce n'est pas une fin, puisque c'est le commencement d'une autre histoire... Je pense en effet que la littérature, c'est un rebond par rapport au néant. Maintenant on ne va pas en faire tout un roman... C'est un rebond qui est indispensable peut-être pour moi mais pas forcément pour d'autres. J'aime bien l'idée qu'on puisse lire des livres de n'importe quelle époque, n'importe quand. Ils ne se sont pas terminés et donc pourquoi est-ce que nous nous terminerions ? » (extrait de l'émission Le Carnet d'Or, France Culture, 26 avril 2014). Ces considérations du prix Nobel de littérature 2008 valent aussi pour l'art lyrique et en particulier pour les ultimes opéras de Mozart, La clemenza de Tito et Die Zauberflöte, tous deux produits en 1791, juste avant le trépas du compositeur.
Au sujet de La clemenza de Tito, le germaniste et académicien Marcel Brion écrivait en 1955, dans la biographie romancée Mozart : « on connaît mal en France cette œuvre qui révèle un Mozart assez différent de celui qu'on se représente, lorsqu'on simplifie à l'excès les complexes nuances de ce génie ». En effet, cet opus ne trouve place avec régularité sur les scènes françaises qu'à partir des années quatre-vingt. Dernièrement, en décembre 2014, il est revenu en grand apparat, au superbe écrin de l'avenue Montaigne, dans des costumes de Christian Lacroix et une mise en scène du sociétaire de la Comédie-Française, Denis Podalydès. Le spectacle fut pris sur le vif par France Musique, pour paraître en disque à l'hiver dernier.
Tous remarquables, les chanteurs ont la particularité de provenir, pour moitié, du Canada. Entre deux pôles extraordinaires, de l'enivrant soprano Karina Gauvin (Vitellia) à l'onctueuse jeune basse noble Robert Gleadow (Publio) [sur l’une, lire nos chroniques du 23 janvier 2017 et du 12 juin 2012, ainsi que nos critiques des CD Händel et Mozart ; sur l’autre, lire nos chroniques du 8 décembre 2017 et du 27 avril 2013], le courant nordique dominant est sobre et équilibré, à l'instar du mezzo Julie Boulianne (Annio) [lire nos chroniques du 9 juillet 2017 et du 27 octobre 2006]. Le chœur Aedes a la même justesse, tout comme le Cercle de l'Harmonie de Jérémie Rhorer, en toute fidélité aux instruments d'époque et surtout aux jeux de tonalité aussi subtils qu'exigeants. Ces deux effectifs ont laissé une impression encore meilleure dans un semblable enregistrement mozartien [lire notre critique de Die Entführung aus dem Serail]. Sans entrer dans le détail des airs, grâce soit également rendue à l'interprétation émouvante du ténor Kurt Streit (Tito) [lire nos chroniques d’Hamlet, Das Rheingold et Der fliegende Holländer] et à une nouvelle solide performance du mezzo Kate Lindsey (Sesto) [lire notre chronique du 2 juillet 2016]. Et si jamais le tout manquait un peu de piquant, que l'écoute se concentre sur la Servilia de Julie Fuchs, belle comme un sang d'encre amoureux [lire notre chronique de Trompe-la-mort, d’Ariadne auf Naxos et Renaud].
FC