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Chroniques
Wolfgang Amadeus Mozart
Betulia liberata | Béthulie libérée
Si l’on trouve chez Mozart (1756-1791) plus d’une œuvre apparentée à la cantate – Davide penitente (1785), Die Maurerfreude (1785), Die ihr des unermeßlichen Weltalls Schöpfer ehrt (1791), etc. –, Betulia liberata K.118 est son unique oratorio achevé, souvent qualifié d’azione sacra ou drame sacré, idéal pour remplacer les divertissements plus festifs en période de Carême.
Le 26 décembre 1770, durant le premier de trois séjours italiens, Wolfgang Amadeus assiste à la création de son opera seria Mitridate, rè di Ponto, au Teatro Ducale de Milan. Quelques semaines plus tard, le 13 mars 1771, il arrive à Padoue, avec son père Leopold. Une lettre de ce dernier, datée du lendemain, nous apprend que la commande d’un oratorio, sans date de livraison, a déjà été passée par Don Giuseppe Ximenes, prince d’Aragon et célèbre mécène. Une fois rentré à Salzbourg, Mozart s’attelle au projet. Il choisit un texte de Métastase que Georg Reutter avait mis en musique l’année même de son écriture (1734), suivi par Niccolo Jommelli (1743) et Ignaz Holzbauer (1760). Parmi les versions postérieures à celle de l’adolescent – finalement jamais jouée à Padoue, semble-t-il –, citons celle d’Antonio Salieri (1821).
Métastase s’inspire d’un épisode connu de l’Ancien Testament. Assiégés par les Assyriens dans Betulia (Béthulie), les Hébreux pressent le gouverneur Ozia de capituler, d’autant que l’eau n’arrive plus en ville. Profitant du délai obtenu par ce dernier, Giuditta, une veuve déterminée, infiltre le camp ennemi. Elle séduit Oloferne, commandant des troupes, le tue alors qu’il est effondré sur son lit, ivre de vin, et le décapite – on ne compte plus les peintres à avoir immortalisé une scène qui n’est, bien sûr, pas représentée ici (les Italiens Mantegna, Botticelli et Caravaggio, mais aussi Lucas Cranach l’Ancien, Rubens, etc.). Pour patienter jusqu’au retour de Giuditta, avec la tête de l’Assyrien comme preuve d’un exploit voulu par Dieu, un dialogue philosophique concourt à la conversion d’Achior, prince des Ammonites et ancien allié d’Oloferne. Le peuple retrouve courage et foi, mettant à terre l’assaillant déconfit.
Enregistré à la Seine Musicale (Boulogne-Billancourt) entre le 22 juin et le 1er juillet 2019, cet enregistrement propose cinq solistes de talent. Le rôle-titre est tenu par Teresa Iervolino, mezzo-soprano au timbre mâle et tout en rondeur, qui allie ampleur et aisance. Parmi d'autres, l’air Parto inerme, e non pavento (I, 17) offre une bonne approche de son art. Pour incarner l’angoisse du siège militaire, Sandrine Piau (Amital) possède la véhémence et l’agilité nécessaires. Troisième et dernière femme de la distribution, Amanda Forsythe (Cabri, Carmi) use d’un chant souple et fiable, à la couleur très égale.
Côté messieurs, l’expressivité de Nahuel Di Pierro (Achior) est remarquable – un contre-ré grave, dans Te solo adoro (II, 8), reste encore à notre oreille. Enfin, félicitons Pablo Bernsch (Ozia) qui, loin de la douceur du ténor mozartien à venir, offre au contraire un ténor volontaire, fort clair et impacté, au grand souffle. Si la voix est parfois lourde dans certaines vocalises, c’est en lien avec des pages redoutables – Se Dio veder tu vuoi (II, 2). La partie chorale est assurée par Accentus et la fosse occupée par Les Talens Lyriques que mène Christophe Rousset, entre urgence et gravité.
LB