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Chroniques
Wolfgang Amadeus Mozart
Die Entführung aus dem Serail | L’enlèvement au sérail
Avec la commande de Die Entführung aus dem Serail, Mozart livre sa première œuvre lyrique en langue allemande, sous forme d'un singspiel en trois actes – dont Johann Gottlieb Stephanie signe le livret, inspiré d'une pièce de Christoph Friedrich Bretzner –, ouvrant ainsi la voie à Weber et Beethoven. Cette turquerie pour six chanteurs et un acteur, qui conte l'histoire de l'Espagnol Belmonte venu enlever sa bien-aimée prisonnière au sérail du Pacha Selim Bassa, fut créée le 16 juillet 1782, au Burgtheater de Vienne. Malgré le célèbre reproche de Joseph II lors d'une répétition – « trop de notes, mon cher Mozart ! » –, l'empereur avait offert à son protégé les meilleurs artistes et l'œuvre eût un grand succès. Ainsi, après avoir donné à son père des avant-goûts de son œuvre en gestation (septembre 1781), le jeune compositeur de vingt-six ans lui écrit, le 20 juillet :
« Hier il a été donné pour la 2ème fois ; – pourriez-vous soupçonner qu'il y eut hier une cabale encore plus forte que le premier soir ? – le premier acte a été gâté par des murmures. – Mais ils ne purent tout de même empêcher les bravos sonores entre les airs. – Mon espoir était donc le trio final – mais voilà que la malchance fit broncher Fischer – du coup, Dauer (Pedrillo) broncha aussi (…) – et tout l'effet fut perdu, et le trio, cette fois, ne fut pas bissé. – J'étais dans une telle fureur que je ne me connaissais plus […]. Le théâtre était presque plus plein encore que la première fois. – Dès la veille, on ne trouvait plus de sièges réservés, ni au noble parterre ni au 3ème balcon. L'opéra a encaissé en deux jours 1200 fl. »
Filmée à l'Opernhaus de Zürich en juin 2003, la mise en scène de Jonathan Miller fait le choix d'un décor dépouillé qui valorise la préciosité du costume et la finesse du jeu. Tous les intervenants sont crédibles ; en premier lieu Klaus Maria Brandauer, offrant une palette d'expressions qui apporte beaucoup de richesse à son personnage compatissant. Avec sa voix claire, nuancée et des aigus agiles, Malin Hartelius est une Konstanze souvent poignante et au désir amoureux ambigu. Malgré quelques engorgements, Piotr Beczala (Belmonte) s'avère très souple. Alfred Muff (Osmin) est efficace, avec une égalité sur toute la tessiture. Si l'on passe sur la nature cabotine de Patricia Petibon, on appréciera sa sonorité et son chant bien mené. Vif sans être brutal, Christophe König conduit l'orchestre avec élégance. Félicitons enfin Chloé Perlemuter pour sa caméra sensuelle qui caresse les corps.
LB