Chroniques

par laurent bergnach

Wolfgang Rihm
pièces pour cordes

1 CD WERGO (2017)
WER 7346 2
Le Quatuor Minguet joue quatre pièces pour cordes à cordes de Wolfgang Rihm

Parce qu’il est un Allemand (né à Karlsruhe, en 1952) ayant étudié avec Stockhausen à Cologne, vers l’âge de vingt ans, on pourrait imaginer une filiation entre l’esthétique de Wolfgang Rihm et celle de son professeur. Or, comme il l’a confié au producteur Arnaud Merlin (brochure du festival Présences 2019), l’auteur de Grüppen voulait surtout des élèves absorbés par son œuvre. Non, la révélation, à l’époque où le prépubère improvisait à l’orgue d’église et chantait Le martyre de Saint Sébastien au sein d’une chorale, fut en fait Debussy. « J’ai découvert dans cette musique la possibilité de m’exprimer en toute liberté, sans être en aucune manière bridé par un système », annonce celui qui s’estime ouvert à l’invention comme à la contradiction, tel qu’en témoigne le disque gravé par Ulrich Isfort, Annette Reisinger (violons), Aroa Sorin (alto) et Matthias Diener (violoncelle).

Créateur précoce, Rihm amorce à treize ans son catalogue raisonné, notant là son Premier quatuor à cordes sous le numéro 38. Peu après, sous la date 4 décembre 1966, il inscrit le Quatuor en sol, pièce de neuf minutes à peine où apparait l’influence du jeune Beethoven, lui-même dans l’héritage d’Haydn. Quatre sections structurent son unique mouvement, chacune abordant différentes techniques et modes d’expression, à l’instar d’une sonate miniature. Une amorce quasi folklorique, suivie d’une alternance entre différentes tensions et attendrissements, cède la place à un épisode plus lyrique, puis à un emballement final.

Cette pièce attendrait trois décennies pour être présentée au public (Berlin, 1997), de même qu’une autre de la même période : le Quatuor à cordes de 1968. Ce dernier possède quatre mouvements de longueurs contrastées (deux brefs, puis deux longs), dont les forces s’épuisent avec régularité, un quart d’heure durant, entre un début fort électrique et un lamento aux échos de Lied. À Pascal Huynh, Wolfgang Rihm livre une autre piste française des années d’adolescence : « tel un trésor, je choyais un disque sur lequel le Quatuor Parrenin jouait des extraits du Livre pour quatuorde Boulez – j’avais quinze ans et je l’écoutais souvent » (Cité Musiques, n°68, 2012).

Plus proche de nous vint au monde Geste zu Vedova (Venise, 2015), un mouvement d’une dizaine de minutes inspiré par la peinture nerveuse, sinon tourmentée, d’Emilio Vedova (1919-2006) et dédié au Quatuor Minguet. Jetant d’abord quelques étincelles, la formation entretient un feu nourri de cahots, saccades et décharges, avec parfois l’usage mécanique de l’ostinato. Jamais agressive son expressivité mène à des gémissements qui devance l’assoupissement final [lire notre chronique du 6 juillet 2017]. Enfin, le programme s’achève avec nos quartettistes rejoints par le violoncelle de Jens Peter Maintz, pour Epilog (Stuttgart, 2013) où passe l’ombre de Schubert (Quintette à cordes en ut majeur, D.956). Le tissu en est plutôt délicat, voire transparent, quand des pizzicati et autres alarmes ne viennent pas dynamiser l’ensemble.

LB