Recherche
Chroniques
Xavier-Marie Garcette
La vierge noire et le voyou – Une brève histoire de Francis Poulenc
Installé dans le Quercy depuis une vingtaine d’années, Xavier-Marie Garcette a déjà publié deux romans qui témoignent de sa passion pour l’Histoire : Le Marquis de Saint-Sozy – Un aristocrate quercinois au Siècle des Lumières (L’Harmattan, 2019) et Trévizac (Le Lys bleu, 2021). C’est en conservant cette casquette de romancier-archiviste qu’il s’intéresse aujourd’hui à Francis Poulenc (1899-1963), irriguant le jardin de la fiction à des sources musicologiques fiables [lire nos critiques des ouvrages d’Hervé Lacombe et de Nicolas Southon].
De même que le premier livre de l’ancien Sorbonnard portait un sous-titre, ce tout nouveau annonce Une brève histoire de Francis Poulenc. Cette concision n’est pas à prendre dans le sens de condensé, de résumé d’une existence, mais indique plutôt une tranche de vie. En effet, malgré quelques retours en arrière sur les années d’enfance, le roman prend pour point de départ l’orée de janvier 1924 pour se clore au lendemain de la première parisienne de Dialogues des carmélites, en juin 1957. Le choix de se limiter à une trentaine d’année, le titre lui-même l’impose, inspiré par la formule de Claude Rostand, devenue célèbre : « il y a chez Poulenc du moine et du voyou ». C’est ce double visage que l’auteur explore à la loupe. Dans la France marquée par une guerre mondiale, puis par une seconde, les racines chrétiennes paternelles se ravivent, à mesure que disparaissent des proches – ses deux parents, avant la fin de l’adolescence, puis Raymonde, son âme-sœur, mais encore les amis (Max Jacob, Christian Bérard, etc.). Le moine se révèle surtout à l’été 1936, suite à sa visite de Notre-Dame de Rocamadour, chapelle qui héberge une statue de Vierge noire. Quant au côté voyou, que le public connaît par de joyeuses provocations telles que les Chansons gaillardes (1926) ou Les mamelles de Tirésias (1947), Poulenc l’entretient secrètement, dans les bras d’amants venus du peuple.
Son approche de romancier, Xavier-Marie Garcette l’affirme dès le chapitre initial – comme la douzaine de suivants, il porte le nom d’un opus du compositeur, emblématique de l’époque abordée. Avec sa loupe, disions-nous, mais aussi un stéthoscope, il commence le récit en usant des trois personnes du singulier, passant de la description à l’introspection (« L’inconnu s’avance vers Roberto, lui demande s’il a du feu. […] Il m’arrive souvent d’envier les gens simples, comme ce balayeur qui vient de me donner du feu »), sans oublier l’adresse directe (« Tu fus un enfant choyé, tout le contraire de l’artiste maudit »). Sa liberté se manifeste également dans la variété des véhicules de la pensée : courrier, journal intime, mais aussi des scènes dialoguées (Tante Winnie, Colette, l’éditeur Valcarenghi, etc.) qui permettent de mesurer l’audace à imaginer ces échanges – le lecteur se doute bien qu’il n’en existe pas d’enregistrement sonore, a fortiori pour les complicités d’alcôve. Si le musicographe quitte ces pages avec la crainte d’avoir désormais associé de faux souvenirs à sa connaissance du musicien, il peut néanmoins recommander cette fiction au novice souhaitant découvrir Poupoule sans le poids des analyses savantes.
LB