Chroniques

par laurent bergnach

Yann Robin
œuvres pour orchestre

1 CD Cuicatl (2020)
YAN 007
L'Orchestre National de Lille joue deux opus signés Yann Robin (né en 1974)

Cette monographie Yann Robin regroupe deux œuvres pour grande formation enregistrées par France Musique à l’Auditorium du Nouveau Siècle, les 13 octobre 2016 et 1er juillet 2017. L’Orchestre national de Lille est placé respectivement sous la battue de Peter Rundel et d’Alexandre Bloch, son directeur musical.

Le concert le plus ancien fait entendre la création de Quarks, un concerto pour violoncelle et orchestre, inspiré par les plus petites particules élémentaires de la matière connues à ce jour, et plus précisément par leur appellation. Enfermées à l’intérieur du noyau de l’atome, celles-ci se doivent d’avoir un nom, mais qui ne serait pas rendu caduc par les recherches ultérieures, comme ce fut le cas pour l’atome lui-même (átomos : insécable, en grec ancien). Le physicien à l’origine de la découverte use alors d’une onomatopée imaginaire, qu’il prononce kwork. Le compositeur (né en 1974) précise que « ce qui n’était qu’un son pour Gell-Mann l’est resté un temps, jusqu’à ce qu’il découvre ces quelques mots tirés de Finnegans Wakede James Joyce : “Three quarks for muster mark” » (notice du CD).

Fidèle de l’Ensemble Intercontemporain qui accompagna la naissance de plus d’un opus [lire notre chronique du 15 février 2020, pour la plus récente], le violoncelliste Éric-Maria Couturier se distingue par une virtuosité nerveuse que les musiciens alentour laissent respirer, malgré les tensions récurrentes de l’ensemble.

Créé au festival Musica (Strasbourg) le 8 octobre 2010, Vulcano traduit en musique des énergies enfouies, prêtes à jaillir à tout instant par un cratère. Selon certaines croyances, ce dernier libère des êtres malfaisants, à la rencontre desquels va Robin avec Inferno, une œuvre donnée en avant-première au festival ManiFeste (Paris) [lire notre chronique du 13 juin 2012]. Pour accompagner cette descente vers le centre de la terre, le Virgile de la Commedia (1472) semblait le mieux indiqué, puisque « le texte de Dante est un guide, un fil d’Ariane, un prétexte au travail du son et à sa conduite vers des fréquences abyssales, vers des sonorités au delà de la perception humaine… » (ibid.).

Révisée en 2015, la version II s’entend sur près de trois quarts d’heure. Ondes, tourbillons, mouvements d’ascenseur et de forge dessinent des îlots de calme inquiétude au cœur d’une étendue sonore secouée de surprises (volètement d’une flûte, vrombissement de cuivres, etc.) ou d’agitations plus pérennes, surtout confiées aux cordes. Le plaisir de l’auditeur est d’autant plus grand que ce voyage souterrain engendre le frisson sans convoquer l’ennui… ce qui n’avait pas été le cas lors de la découverte en salle de la version I.

LB