Chroniques

par bertrand bolognesi

Amsterdam Baroque Orchestra & Choir
Passio Domini nostri J.C. secundum Evangelistam Matthaeum BWV 244

Jeune Chœur de Dordogne, Ton Koopman
Salle Pleyel, Paris
- 15 avril 2014
Christ de Montagna, 1515 (Kunsthaus, Zürich) : Matthäus Passion de Bach
© bertrand bolognesi, zürich, 2013 | bartolomeo montagna, 1515

Semaine sainte = Passions, au concert – Jean, Matthieu, Luc ou Marc, selon les compositeurs choisis. Après une Saint Jean en avance de plusieurs semaines [lire notre chronique du 19 mars 2014], c’est la Matthäus Passion de Johann Sebastian Bach qui est présentée au public parisien, venu nombreux retrouver l’Amsterdam Baroque Orchestra et son chœur, auquel viennent s’ajouter les forces du Jeune Chœur de Dordogne (fondé en 2000 par Philippe et Christine Courmont).

L’introduction instrumentale du premier chœur affirme une tendresse minutieusement travaillée où se dessine nettement chaque timbre. Kommt, ihr Töchter opère alors dans un moelleux rassérénant. On goûte avantageusement l’incisive clarté de Tilman Lichdi en Évangéliste, effectuant d’exquises demi-teintes avec un naturel confondant. Encore le découvre-t-on hyper expressif, voire joueur, dans la scène de dénonciation de Judas. Avec un grave qui sonne trop peu, comme manquant de corps, le Jésus de Falko Hönisch convainc moins. Il est nettement plus prégnant lorsqu’il s’agit de chanter en tonicité, voire prestement, affichant un organe musclé qui libère des harmoniques plus intéressantes. L’onctuosité de Maarten Engeltjes invite à la méditation (Buß und Reu, 6) : la jeune haute-contre livre une aria d’une émouvante fragilité, en répons d’un accompagnato toujours extrêmement délicat. Plus tard, dans Erbarme dich (39), il donnera le frisson. En revanche, le soprano Hana Blažíková ne satisfait guère par une phonation souvent hasardeuse, une gestion du souffle à l’emporte-pièce, un timbre parfaitement quelconque. L’intonation est instable et le chant relativement maniéré. Encore apprécie-t-on le baryton-basse Klaus Mertens, grand fidèle de ce répertoire, dont l’impact vocal s’avère simplement idéal. De même le ténor suisse Jörg Dürmüller se révèle-t-il volontiers vaillant, avec une couleur riche et une nuance soigneusement choisie – O Schmerz (19) parfaitement intrusif.

Il n’est certes pas chose facile que de réunir la distribution idéale de cette Passion selon Saint Matthieu. Si seules trois des six voix réunies servent honorablement le projet, on transfèrera les attentes mélomaniaques sur les parties de chorale, particulièrement bien servies. Cependant, par-delà ce confort non négligeable, la version de Ton Koopman, pour nuancée qu’elle soit, s’inscrit dans une austérité non revendiquée, une sorte d’entre-deux qui va du chichiteux ou trop sec. Bref : on s’ennuie ferme, sans trouver dans d’indéniables finasseries quelque aura ni la grandeur de l’œuvre.

BB