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Chroniques
Bizet et Mozart
Nikolaï Lugansky, l’Ensemble Orchestral de Paris et John Nelson
Faisant se rencontrer les vingt-et-un ans de Wolfgang Amadeus Mozart (1777) et les dix-sept de Georges Bizet (1855), le deuxième rendez-vous de La Roque se place décidément sous le signe de la jeunesse. L'on y retrouve les musiciens de l'Ensemble Orchestral de Paris et la battue de John Nelson qui les dirige depuis près de dix ans.
C'est par un Allegro assai dont ils soulignent dramatiquement la double modulation qu'ils ouvrent la Symphonie en ré majeur K.297 n°31« Paris » de Mozart. Suit un Andante gracieusement équilibré par une approche nettement plus satisfaisante que celle accordée à Chopin, hier [lire notre chronique de la veille]. Le dernier épisode jouit de la vivacité souhaitée, rehaussée de contrastes bondissants, laissant parler un efficace pupitre de bois.
Cette partition en trois volets, qui entre encore sensiblement dans le schéma de la Sinfonia utilisée en guise d'ouverture des festivités baroques (représentations d'opéra, exécution d'oratorio, carnaval, cérémonies, etc.), est suivie par le Concerto en ut majeur K.467 n°21 auquel Nelson imprime un caractère fermement beethovénien, dès l'Allegro maestoso initial. Jeunesse, toujours, puisque Nikolaï Lugansky compte à peine trente-cinq printemps, l'âge dans lequel Mozart demeurait figé à jamais par sa disparition prématurée (1791) – aussi tout est-il relatif, comme de dire que l'auteur en avait vingt-huit lorsqu'il livra ce concerto : on pourra ainsi tout autant considérer qu'il s'agit d'une œuvre de la maturité, puisqu'elle correspond à l'entrée dans le dernier cinquième de son existence, ou que toutes les pages mozartiennes sont des œuvres de jeunesse…
Fort parcimonieux avec la pédalisation, Lugansky énonce le mouvement dans une sècheresse bien venue qui cisèle joliment les motifs ornementaux, sans élan emphatique. Cette option s'inscrit avec évidence dans un classicisme élégant dont la pudeur n'exclut pas la joueuse précision. Une grâce particulière vient éclairer l’épisode lent dont le chant s’orne d’une tendresse indicible. On admire l'exquise demi-teinte maintenue par le pianiste qui se lance dans un Allegro vivace assai d'une rapidité confondante, quoique sans ostentation.
Après l'entracte, nous entendons la Symphonie en ut majeur de Bizet à laquelle l'EOP et John Nelson donnent un bel éclat. Après un Allegro vivo tonique et quelque peu pompier, ils accordent un gentil lyrisme à l'Adagio dont le fugato ne bénéficie cependant pas de la maîtrise nécessaire, de la part des cordes. Le concert s'achève dans l'effervescence sympathique et dispendieuse (on n'a pas tous les jours dix-sept ans !) de deux Allegro vivace dynamisés par l'enthousiasme salutaire du chef.
BB