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Chroniques
Georg Friedrich Händel | Deborah, oratorio HWV 51
Wolf Matthias Friedrich, Sophie Junker, Jakub Józef Orliński et Sophia Patsi
C’est un immense plaisir de retrouver avenue Montaigne maestro Ton Koopman, octogénaire depuis l’automne, à la tête de ses excellents Amsterdam Baroque Orchestra and Choir, qu’il fondait en 1979, pour cette exécution du fort rare Deborah, deuxième des grands oratorii sacrés et anglais de Georg Friedrich Händel, composé dans la foulée d’Esther en 1733, sur un livret concocté par Samuel Humphreys à partir du quatrième chapitre du Livre des Juges, et créé sans connaître le succès – rendez-vous serait pris pour le prochain, Athalia. La progression dramaturgique en trois actes ne fait guère partie des qualités de cette œuvre dont seule la teneur musicale, une certaine inventivité mélodique et, surtout, le grand métier d’Händel sont l’intérêt.
En cette fin de premier quart du XXIe siècle, nous nous sommes habitués à un impact assez chaleureux des interprétations sur instruments historiquement renseignés. Aussi nous trouvons-nous de prime abord surpris par la relative sécheresse de la formation qui s’exprime sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées, typique des premiers temps de l’Early Music Revival. Cette caractéristique ne gênera en rien la lecture et le plaisir qu’elle nous donne, avec une égalité des cordes qui magnifie le relief des bois et de cuivres. Indéniable, la précision des musicien et des choristes satisfait pleinement, et les quelques soli qu’à l’orgue s’octroie Ton Koopman rappellent à la fois ses talents de soliste et l’appétence du compositeur pour l’instrument (ainsi lui est-il rendu justice, quand plusieurs chefs résumèrent longtemps les timbres du continuo händélien au seul clavecin).
Si la soirée réunit de bons solistes, c’est d’abord le chœur qui signe ses meilleurs moments. D’un bout à l’autre du concert, il s’avère d’une tonicité bienvenue et toujours d’à-propos, tout autant que fort soigneux de la musicalité. Et de cet Amsterdam Baroque Choir trois membres sortiront des rangs pour incarner des personnages secondaires, dont deux se feront positivement remarquer. Ainsi du ténor britannique Kieran White dont la clarté, la fiabilité et la présence rendent attachantes les interventions réussies ; ainsi encore du soprano londonien Amelia Berridge qui mène les brèves parties de Jaël vers la lumière.
Sur les quatre solistes auxquels sont confiés les rôles principaux, trois les incarnent avec une gloire certaine. Volontiers applaudi dans nos colonnes, le baryton-basse saxon Wolf Matthias Friedrichdonne un ferme Abinoam, confortable dans les arie comme dans les recitativi dont le texte est dûment mordu [lire nos chroniques de Deidamia, Rinaldo et Almira]. Au mezzo-soprano grec Sophia Patsi revient la partie de la belliqueuse Sisera à laquelle elle prête un timbre impératif et un souffle généreux, savoureux dans les vaines agression apotropaïques. Comme à son habitude, le soprano franco-belge Sophie Junker est parfaitement à son aise dans ce répertoire. Si les premiers pas de sa Deborah paraissent un peu fragiles et parfois mis à mal par la justesse plus qu’aléatoire de son principal partenaire, l’artiste déploie bientôt un rôle-titre puissant et sûr, à l’impact flatteur [lire nos chroniques de Die lustigen Weiber von Windsor, La divisione del mondo, Serse, Johannes-Passion et des Cantates BWV 201 et BWV 205]. Quant à Barak… longtemps nous nous souviendrons de la curieuse couleur de ses socquettes.
BB