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Chroniques
Il delirio amoroso HWV 99 – Apollo e Dafne HWV 122
deux cantates de Georg Friedrich Händel par René Jacobs
Le Festival d’Ambronay ouvre sa quarante-troisième édition en invitant René Jacobs à la tête du Freiburger Barockorchester, dans un programme Händel principalement composé des deux cantates, Il delirio amoroso et Apollo e Dafne. Cantate pour soprano solo, Il delirio amoroso convoque ce soir l’Ukrainienne Kateryna Kasper [lire nos chroniques de Siegfried, Une vie pour le tsar et Radamisto], membre de l’Opéra de Francfort et chanteuse à l’intonation très précise, qui fait aussi montre d’une grande endurance dans les passages virtuoses qui émaillent des arie souvent longues, avec les reprises da capo. L’interprète émeut aussi dans ces pages où la jeune Chloris pleure la perte de son bien-aimé Thyrsis, avec certaines notes tenues sur un souffle long et qui paraissent planer très haut dans les airs de l’abbatiale.
Les musiciens sont également généreusement sollicités dans la rapidité d’exécution, en premier lieu le hautbois solo qui reste toujours expressif, même dans les séquences les plus véloces. Le violon solo, différent du premier violon, n’est pas en reste, tout comme la flûte à bec qui dégage une belle poésie, en particulier pour accompagner les deux derniers airs Lascia ormai le brune vele et In queste amene piagge serene. René Jacobs modèle un relief dramatique à cette pièce, en ralentissant parfois le tempo, en donnant une ampleur supplémentaire aux cordes ou encore en installant de brefs silences pesants, comme c’est le cas pendant l’air singulièrement doloriste Per te lasciai la luce.
La première partie se conclut par le Concerto pour orgue en fa majeur Op.4 n°5HWV 293, joué avec sûreté technique et goût interprétatif par Sebastian Wienand, qui par ailleurs tient le clavecin du Freiburger Barockorchester. Après l’entracte, une deuxième pièce orchestrale est jouée, l’Ouverture d’Agrippina qui nous rappelle le souvenir des formidables représentations parisiennes de cet opéra il y a presque vingt ans, au Théâtre des Champs-Élysées dans la mise en scène de David McVicar, Jacobs étant alors aux commandes du Concerto Köln [lire notre chronique du 23 septembre 2003].
Enchaînant dans le tempo avec la conclusion de l’Ouverture, la seconde cantate, Apollo e Dafne, met en présence Apollon qui tombe fou amoureux de Daphné, la jolie nymphe se transformant finalement en arbre pour échapper aux assauts du Dieu. Chantant sans partition, le baryton-basse Yannick Debus développe un creux appréciable dans le grave, l’instrument puissant et vaillamment projeté conférant autorité au personnage, tandis que sa souplesse vocale lui permet de passer avec panache les passages les plus fleuris [lire notre chronique d’Israel in Egypt]. Les difficiles parties confiées aux deux hautbois sont à nouveau très bien jouées.
L’air d’entrée de Daphné (Felicissima quest’alma) réserve un joli effet acoustique, quand le soprano s’exprime au delà du chœur, derrière un pilier, avant de traverser la scène pour s’installer au plus près du public. Les échanges se font parfois vifs au cours des duos entre les protagonistes, même si le chef reste placé entre eux deux. À vrai dire, malgré tous les efforts d’Apollon – dans Deh lascia addolcire quell’aspro rigor, le chanteur se met à genoux pour supplier la nymphe –, on ne l’imagine pas pouvoir s’approcher trop près de Daphné quand elle lui répond Più tosto morire che perder l’onor. On apprécie enfin à nouveau la folle virtuosité du violon solo en introduction de l’air d’Apollon, Mie piante correte, la même partition que celle du début de l’air de bravoure Venti, turbini, prestate, extrait de Rinaldo. En bis, les artistes reprennent le court et charmant duo Una guerra ho dentro il seno.
IF