Chroniques

par richard letawe

lauréats du Concours Reine Élisabeth de Belgique
Anna Vinnitskaïa, Francesco Piemontesi et Plamena Mangova

Théâtre Royal, Mons
- 17 juin 2007
la jeune pianiste russe Anna Vinnitskaïa, lauréate du Concours Reine Élisabeth
© gela megrelidze

C'est un théâtre bien rempli qui accueille le concert de gala du Concours Reine Élisabeth, présentant les trois premiers lauréats, accompagnés par l'Orchestre Philharmonique de Liège et son chef Pascal Rophé.

Le programme débute par l'inusable Concerto pour piano en si bémol mineur Op.23 n°1 de Tchaïkovski, œuvre de parade et de concours s'il en est. Avant les épreuves, nous avions assisté à deux concerts de Plamena Mangova qui nous avaient trouvés peu enthousiastes et doutant de sa capacité à figurer en bonne place. Elle s'est cependant si bien reprise qu'elle figure à une magnifique deuxième place, tout à fait méritée. Très à son avantage, elle aborde le concerto avec fraîcheur. Ses doigts sont sûrs et véloces, au service d’une sonorité douce, subtile et minutieusement dosée. Jamais une note n'est dure ou heurtée, les phrasés sont chantants et poétiques. Le premier mouvement se développe bien, après un début un peu haché ; l'Andantino est un trésor de tendresse et l'Allegro con fuoco final est brillant et échevelé, en accord avec le chef qui lui imprime un rythme festif et rustique bienvenu.

La suite du programme nous épargne fort heureusement les scies habituelles, en proposant deux concerti assez rares, surtout dans le cadre d’un concours. Le Concerto en sol de Ravel est confié à Francesco Piemontesi, troisième lauréat, qui réalise une prestation musicale et poétique fascinante, en dépit de quelques approximations techniques. Le pianiste suisse s'approprie l'œuvre où il évolue librement, au gré d'un rythmejazzy syncopé, éclatant, tonique et farceur. Léger et rêveur, il s'envole dès les premières mesures de l'Adagio, pour ne plus toucher terre, emportant l'auditeur vers des hauteurs impressionnantes.

C'est ensuite au tour du vainqueur du concours d'entrer en scène pour le Concerto pour piano, trompette et cordes en do mineur Op.35 n°1 de Chostakovitch. Anna Vinnitskaïa [photo] combine un jeu tendu et fougueux à une sonorité pleine et brillante pour donner de cette page une version éblouissante. Son détachement, sa froideur apparente, cachent un tempérament de feu qui explose dans les passages acrobatiques, formidables de netteté et de précision. Formidable également, le lyrisme blafard et désespéré du mouvement lent dont elle traduit tous les aspects avec versatilité, et le grain de folie qui anime l'ébouriffant final. La jeune artiste russe est bien accompagnée à la trompette par François Ruelle, soliste de l'OPL, virtuose à la sonorité toutefois un peu courte dans les longs passages mélodiques.

Placé où nous étions, soit à quelques centimètres du piano, les subtilités de l'accompagnement orchestral nous ont largement échappé, particulièrement les vifs dialogues entre clavier et vents dans l’opus ravélien. On nous pardonnera donc de rester succincts quant à la prestation de l'orchestre ; nous en sommes d'autant plus désolés que la musique de Ravel n'a pas de secret pour cette formation dont les apparitions dans la province de Hainaut se font trop rares.

Longuement applaudis, les trois pianistes terminent cette belle soirée par la Romance pour six mains de Rachmaninov. Dans les mois qui viennent, les lauréats du Concours Reine Élisabeth animeront la vie musicale belge dans de multiples concerts et récitals, durant les festivals d'été et la prochaine saison. À eux d’ensuite mener leur carrière, qu'on espère longue et brillante.

RL