Chroniques

par katy oberlé

Otello | Othello
opéra de Giuseppe Verdi

Festival Verdi / Teatro Regio, Parme
- 5 octobre 2025
Un OTELLO efficace au Teatro Regio de Parme, lors du festival Verdi 2025...
© roberto ricci

Au lendemain du Macbet remarquable de Busseto [lire notre chronique de la veille], l’édition 2025 du Festival Verdi, ouverte depuis la fin de septembre,poursuit son exploration shakespearienne au Teatro Regio de Parme avec l’Otello de la pleine maturité, sommet tragique du compositeur et miroir inversé du drame écossais. Après la fièvre contenue de la petite salle, place à la respiration ample du grand théâtre où Verdi, au soir de sa vie, condense dans le souffle d’Othello la totalité de son art.

Sous la direction de Roberto Abbado, le patron musical de l’événement depuis 2018, la Filarmonica Arturo Toscanini déploie une lecture au scalpel, bâtie sur la nouvelle édition critique de Linda B. Fairtile (University of Chicago Press et Casa Ricordi). Chaque accent, chaque souffle gagne en précision, de sorte que la tempête du début n’est pas simple éruption orchestrale mais véritable prémonition des dérèglements intérieurs qui s’ensuivront. Abbado cisèle une trame sonore d’une transparence rare [lire nos chroniques de lire nos chroniques de La donna del lago, Mosè in Egitto, I vespri siciliani, Le siège de Corinthe, Le trouvère (version française), Luisa Miller, I masnadieri, La forza del destino à Parme, Bianca e Falliero et de Macbeth (version française)].

La mise en scène de Federico Tiezzi plonge le drame dans une vision noir et blanc, à la frontière du rêve et du cauchemar. Inspirée par l’univers choisi par Orson Welles pour son célèbre film de 1951, elle délaisse tout exotisme en favorisant un espace abstrait, presque mental, où la jalousie voyage dans un labyrinthe d’ombres. Les décors de Margherita Palli [lire nos chronqiues de Demofoonte, Intolleranza 1960, Il trittico, Lou Salomé et Andrea Chénier] et les costumes de Giovanna Buzzi [lire notre chronique de Turandot à Torre del Lago] prolongent cette esthétique dépouillée, alors que Gianni Pollini sculpte par une lumière presque expressionniste les visages comme des masques d’ébène et d’albâtre [lire notre chronique du Trovatore à Fidenza]. L’ensemble, salué par la critique italienne, se concentre sur le triangle Otello–Desdemona–Jago, réduisant le reste du monde à une rumeur lointaine.

La représentation avance un plateau vocal d’une belle homogénéité. Yusif Eyvazov prête au Maure un métal franc et une vaillance parfois plus brutale qu’introspective [lire notre chronique du Trovatore à Vérone], tandis qu’Ariunbaatar Ganbaatar campe un Iago d’une noirceur soyeuse, visqueuse même, redoutable par la ligne de chant comme par la diction, très acérée [lire notre chronique de La forza del destino à Lyon]. Mais c’est la Desdemona de Mariangela Sicilia qui conquiert le public par un chant à la fois rigoureux et subtil, d’une pureté presque désincarnée, grâce à laquelle le soprano suspend magiquement l’air du saule [lire nos chroniques de Turandot à Montpellier, Carmen et La Juive]. Bravo également aux membres du Coro del Teatro Regio di Parma pour leur parfaite cohésion. Cet Otello parachève donc positivement la méditation du Festival Verdi 2025 sur la fascination de Verdi pour Shakespeare.

KO