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Chroniques
Résurrection de Gustav Mahler
l’Orchestre de Paris rentre à la maison
Parce que l’on se devait d’offrir à ce moment fort attendu qu’était l’inauguration de la nouvelle Salle Pleyel une soirée tant festive, logique que symbolique, c’est la Résurrectionde Mahler qui la première fait sonner l’auditorium flambant neuf – symbolique, cela va sans dire avec un tel programme ; logique, car l’Orchestre de Paris retrouve son lieu de prédilection ; enfin, soirée festive puisque cette Symphonie en ut mineur n°2 convoque un vaste effectif au service d’un final enthousiaste, vaillant et cérémonieux.
Nous rencontrons une acoustique précise qui ne pardonne rien, transmettant en une définition extrêmement ciblée chaque source sonore. C’est une qualité à laquelle les artistes devront se faire, peut-être avantageuse en musique de chambre (rien n’est sûr), mais exigeante lorsqu’il s’agit du répertoire symphonique. Christoph Eschenbach profite pleinement de cette fidélité du rendu des timbres, quoiqu'encore en héritier de certaines habitudes qu'imposait le Théâtre Mogador. Aussi ne maîtrise-t-il pas encore le subtil travail d’alliages induit par cette précieuse acoustique. S’il faudra quelques concerts pour que chacun prenne ses marques, la qualité de la prestation des instrumentistes de l’Orchestre de Paris augure de bonheurs à venir.
Moins convaincant s’avère toutefois le parti pris de lecture du chef. Les deux premiers mouvements subissent des rubati copieusement accusés, suscités par une relative mollesse de conception, dans une liberté s’apparentant parfois au caprice. Cette élasticité un rien féminine laisse perdre le propos. Eschenbach force le trait, avec passion et panache, cela dit. L’Andante moderato s’amorce dans une fermeté exclusivement démonstrative dont l’élégance est absente, vers un résultat étrangement contradictoire. Cela n’empêche pas de goûter l’efficacité des bois dans l’Allegro maestoso initial, comme d’apprécier la réalisation remarquable du délicat pizzicato qui absorbe génialement l’écoute. Les choses se dessinent enfin à partir du troisième épisode, ici un rien méchant, dans un geste leste où les decrescendosde clarinette créent des contrastes sournois. Christoph Eschenbach nargue avec souplesse et subtilité, faisant de ce passage l’antithèse des précédents par une narration et un climat qui ondulent main dans la main jusqu’à leur précipité tragique.
Avec Urlicht, nous retrouvons l’excellente Mihoko Fujimura, entendue l’hiver dernier dans le Ring. Elle offre une approche retenue, toujours pudique, ménageant des attaques d’un moelleux inouï, avec une expressivité discrète qui correspond bien à l’indication « très solennel mais modeste » de la partition.
Pour finir, le chef s’engage dans un final étiré qu’il parvient à tenir. Pourtant, l’on pourra s’interroger sur une telle option, rendant sans doute compte, dans le cadre d’une exécution isolée de cette symphonie – en dehors d’un projet d’intégrale, j’entends – du parcours mahlérien dans sa globalité, mais confondant peut-être ce dernier mouvement avec celui de la Neuvième. Rappelons que la Résurrection reste l’œuvre d’un homme encore jeune dont la méditation, pour sombre que put être régulièrement sa couleur, ne tend pas vers la mort. Saluons enfin le très beau travail du Chœur de l’Orchestre de Paris.
BB