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Chroniques
Alan Rawsthorne
Symphonies n°1 – n°2 – n°3
Compositeur britannique tonal, Alan Rawsthorne (1905-1971), avait failli tomber dans un bien triste et injuste oubli, avant que Naxos ne propose plusieurs disques de sa musique à son catalogue, notamment sous la houlette de Lloyd Jones. Nous avons maintenant à notre disposition l'essentiel de son catalogue en qualité CD – dans la collection 20th Century British –, dont ses Concertos pour piano (8.555959), ceux pour violon (8.554240), son Concerto pour orchestre à cordes (8.553567) ou bien l'intégrale de ses grandes symphonies avec ce disque.
Dans son livre irrésistible et délicieusement daté Les musiciens anglais d'aujourd'hui (traduit en 1952 chez Plon), le musicologue Martin Cooper n'hésitait pas à consacrer vingt pages d'analyses à Rawsthorne, illustrées de photos et d'exemples musicaux. Rawsthorne fréquentait en ces pages des géants tels que Vaughan Williams, Britten ou même Tippett. Cooper définit ainsi Rawsthorne : « Il ne compose ni avec la grande lenteur de Walton, ni avec la fécondité extrême de Britten. Une intelligence musicale comme la sienne ne livre pas ses fruits les meilleurs dans la hâte ». Et de constater une évolution constante de l'œuvre du discret compositeur du Lancashire : « Rawsthorne atteint dans sa carrière créatrice un stade de complète maturité ; d'où nous augurons que, dans les quinze ou vingt années à venir, une série d'œuvres très remarquables sortira de sa plume ». Nous sommes au tout début des années cinquante… Martin Cooper a ici la géniale intuition de l'œuvre symphonique que Rawsthorne se prépare à livrer au monde de la musique sur précisément quatorze années : Symphonie n°1 (1950), Symphonie n°2 (1959) et Symphonie n°3 (1964).
De durées variant de vingt à trente minutes, ces œuvres de très haute maîtrise et maturité sont un des monuments du patrimoine symphonique britannique, au même titre que les œuvres de Vaughan Williams ou de Holst. La Symphonie n°1, commandée par la Royal Philharmonic Society et créée à la BBC par Sir Adrian Boult, commence par un Allegro tempestuoso très théâtral, sans l'ombre d'un prologue : l'auditeur est emporté dès les premières notes dans un flot furieux – que maîtrise parfaitement David Lloyd Jones à la tête du Bournemouth Symphony Orchestra. L'Allegro développe jusqu'à l'insoutenable une tension progressive – entre un tapis de cordes angoissantes et un cor anglais dans le lointain. Rawsthorne, qui a tâté de la musique de film, ne recule pas devant certains effets dramatiques, et son univers musical fait songer immanquablement à celui de Vaughan Williams (Symphonie n°7), de Holst (Les Planètes), ou encore de Richard Strauss. Après un bref Allegro non troppo, Rawsthorne termine sa symphonie par une série de thèmes courts et imbriqués, plus discursifs que les précédents, pour reprendre une expression du compositeur lui-même.
La Symphonie n°2, dite Pastoral Symphony, a été commandée par l'orchestre symphonique de la ville de Birmingham. En quatre mouvements relativement brefs, et sans suivre un programme défini, Rawsthorne offre un tableau séduisant de la nature, sans tomber dans le piège de l'illustration bucolique – dans lequel est tombé Vaughan Williams dans sa pièce pourtant splendide pour violon concertant : The Lark Ascending. On notera la beauté du troisième mouvement, Country Dance : un Allegro giocoso plein de vigueur et de joie simple, débouchant sur un final Andante pour soprano et orchestre sur un texte de Henry Howard (XVIe siècle). Un peu mélancolique, ce texte sur le passage des saisons dans la nature, conclue magnifiquement cette œuvre originale, qui se termine par de lointains échos de trompette et de hautbois s'effaçant peu à peu.
La Symphonie n°3 s'étend sur un peu plus d'une demi-heure et se découpe en quatre mouvements qui – selon les indications du compositeur – ne doivent être interrompus que par de très brefs intervalles. Commandée par le Festival de Cheltenham, c'est l'une des plus belles réussites musicales du compositeur : créative à chaque page, à la fois puissante, délicatement colorée par une orchestration subtile et complexe, cette symphonie déroule avec assurance un paysage attachant et manifestement britannique. Le premier mouvement se présente comme l'opposition entre deux thèmes fragmentaires qui se construisent progressivement comme par confrontation dialectique l'un avec l'autre. Un mouvement Andantino « alla sarabanda » déroule sur plus de huit minutes un thème très doux aux cordes et bois, qui prend de plus en plus de volume sonore au fil des portées, jusqu'à un climax très chatoyant faisant intervenir tous les instruments à vent. L'œuvre se termine par deux mouvements Allegro quasiment imbriqués, aux résonances alternativement tendues et très moelleuses. Rawsthorne fuit à nouveau les finals avec tambour et trompette, faisant s'évanouir sa symphonie dans le silence avec une élégance et une intensité bouleversantes. C'est certainement l'œuvre la plus personnelle de Rawsthorne, dégagée des multiples influences britanniques qui l'ont traversé.
Le livret bénéficie de la reproduction du texte chanté dans le dernier mouvement de la Symphonie n°2, ainsi que d'une présentation très intéressante par John M. Belcher, mais uniquement en anglais. Cet enregistrement digital de 2004 est irréprochable.
FXA