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Chroniques
Gustav Mahler
Symphonie en do dièse mineur n°5
Grâce à la collection Radio France de Naïve, nous pouvons retrouver aujourd'hui de grands concerts de l'Orchestre National de France, concerts d'il y a quelques années et que les mélomanes attendaient impatiemment, soirées nettement plus récentes, comme c'est le cas ici, avec cette Cinquième de Gustav Mahler qui, on s'en souvient, nous avait emportés en fin de saison 2003/2004, avenue Montaigne. Après qu'un Matthias Goerne assez terne, ce 30 juin 2004, ait donné les Kindertotenlieder, Bernard Haitink dirigeait la Symphonie en ut # mineur n°5 du Viennois, qu'il ajoutait par la même occasion à ses deux autres captations live disponibles avec cette formation chez le même label (Sixième de Mahler, Pelléas et Mélisande de Debussy).
Si l'on déplorera de ne pas retrouver au disque toute l'émotion du concert, sans doute à cause d'une prise de son rendue difficile par la salle elle-même, l'essentiel est bien là, soit la trace d'une lecture méticuleusement conduite de l'œuvre, évitant tout excès expressif, ce qui put alors provoquer la grimace des amateurs de sturmtorte ! Loin de s'épancher, les cordes de la Trauermarsch dessinent pudiquement la tristesse de la mélodie, à laquelle répondent les salves très strictes des cuivres. Le chef semble vouloir prendre au pied de la lettre l'indication Streng – qu'on traduira par sévère –, imposant une vision hiératique de la partition. De même l'orage du second mouvement demeure-t-il intérieur, laissant s'exprimer la tendresse des phrases de cordes dans une lecture moins contrastée que dans les précédentes versions de Haitink. De fait, son parti semble bien de vouloir donner une unité inattendue à l'œuvre qu'il aborde ici sans appuyer outre mesure les effets, ce qui aura pour vertu principale de faire moins triompher la véhémence finale du mouvement comme pour mieux souligner l'élégance remarquable du Scherzo, souvent oubliée.
C'est, bien sûr, l'Adagietto qui bénéficie d'un véritable lyrisme, tout en restant discret, sans s'assécher pour autant ; la couleur du mouvement précédant perdure, d'une belle dignité, sans déliter le temps comme cela arrive souvent. Proche de la conception boulézienne en ce qui concerne la grande tenue générale, cette approche s'en éloigne par un choix de sonorité plus classique, visualisant un Klimt tandis que le chef français lui préfère vraisemblablement Kokoschka. Toutefois, le Rondo en explose d'autant plus, tout en préservant le cadre donné.
Précis au point de faire entendre le moindre tintement, Bernard Haitink affirme délicatesse et noblesse de ton comme aucun autre. Ce choix se distingue de la tendance actuelle de jouer Mahler dans un étourdissement orgiaque qui semble vouloir coter en bourse les grands orchestres et les chefs en vue. Voilà donc une version qui permettra d'imaginer un équilibre entre les indéniables qualités d'abords plus opulents et le relatif ascétisme de celle-ci.
BB