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Chroniques
Joseph Haydn
concerti pour violon
C'est au tout début de son engagement au château de Fertöd, au service des Princes Esterházy, que Joseph Haydn, à peine trentenaire, écrivit les concerti pour violons regroupés sur cette publication du label Pan Classics. D'une facture virtuose qui ne nie jamais l'attrait que put exercer en ces années-là le style italien, ces œuvres se trouvent ici fort bien servies, tant par la soliste Isabelle Faust que par le Münchener Kammerorchester placé sous la direction éclairée de Christoph Poppen – qui fut d'ailleurs l'un des professeurs de la violoniste.
Dès l'introduction de l'allegro moderato du Concerto en ut majeur Hob.VIIa:1, les protagonistes affirment une lecture toute d'élégance et de dignité. L'entrée du violon s'avère charnue et rapidement d'une virtuosité discrète qui fait entendre la difficulté comme allant soudain de soi, sans complication. Tandis que le chef ménage à la tonicité générale un équilibre sensible, Isabelle Faust affirme une réelle plénitude sonore, même dans l'aigu, joliment rond et salutairement sans graisse. La vocalité de l'écriture est mise en valeur par une régularité sans faille, opérant tant dans la dynamique que dans la nuance et la couleur. L'artiste souligne ici des caractères divers sans jamais que son jeu soit purement décoratif ou futile. Le très vivaldien Adagio est merveilleusement respiré, dans une pudique mélancolie, un peu en retrait, alors que la pâte généreuse du violon regagnera le devant de la scène pour le brillant Presto.
Italienne également sera la ritournelle de l'Allegro moderato du Concerto en sol majeur Hob.VIIa:4, où la violoniste joue sur des antagonismes de sonorité extrêmement riches. Ainsi se risque-t-elle en de superbes pianissimi dont elle sait ne jamais précariser le grain. La présence et l'expressivité sont une nouvelle fois au rendez-vous, avec cette cadence tendre dans l'aigu et presque douloureuse dans sa globalité, dont la tristesse est puissamment portée, non sans hargne parfois. Le mouvement central, un rien gluckien, est délicatement nuancé, dans une belle égalité de propos, nourrissant six minutes d'une même sérénité, avant de céder la place à l'effervescente jubilation du Finale, d'autant plus soulignée par les trépignements du clavecin, avec beaucoup d'esprit. À la fin de ce concerto, l'auditeur reste sur cette fulgurance échevelée tout à fait passionnante.
Plus mozartien – même si l'on y retrouve aussi des transpositions de mélismes dont le chromatisme rappellera Vivaldi –, le Moderato initial du Concerto en la majeur Hob.VIIa:3 se veut questionneur ; de fait, Poppen le parcourt d'une accentuation intelligente dans une nuance toujours raffinée. Isabelle Faust l'articule avec un rien d'âpreté, jusqu'à la sombre et brève cadence, ici vraiment à la limite du tragique, de sorte que le retour de l'humeur primesautière de l'orchestre s'en trouve chargé d'une amère ironie. C'est ensuite en se fondant tant dans le climat que dans la couleur de la partie d'orchestre que le violon entre dans l'Adagio, développant une contemplation au large souffle. Le contraste n'en est que plus grand avec l'Allegro, d'ailleurs non dénué d'un certain humour, préparant avec sagesse une fin plutôt sobre.
On l'aura compris : ce disque – notre seconde Anaclase! du trimestre – est un petit bijou, faisant entendre le travail d'un chef qui sait tenir compte de l'expérience des baroqueux tout en s'abreuvant à celle de l'équilibre des classiques, et bien sûr la maestria d'une violoniste possédant un vrai son.
BB