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Chroniques
Lennox Berkeley
musique de chambre
Sir Lennox Berkeley (1903-1989) peut être qualifié de plus francophile des compositeurs anglais du vingtième siècle. Après des études de français et de philologie à l'université d'Oxford, il rencontre Maurice Ravel qui lui conseille de se rendre à Paris pour suivre l'enseignement de Nadia Boulanger. Son année passée sur les rives de la Seine exerce une profonde influence sur sa sensibilité de compositeur ; il rencontre tout le gotha musical de ce qui est alors la capitale culturelle du monde, et se lie d'une profonde amitié avec Francis Poulenc. L'autre grande rencontre musicale de sa vie est celle, en 1936, de Benjamin Britten auquel il est présenté lors d'un festival à Barcelone. Les deux artistes se découvrent de grandes affinités et ils écrivent ensemble la suite d'orchestre MontJuic. Berlekey sera dès lors artistiquement associé aux initiatives de Britten, tant pour le festival d'Aldeburgh pour lequel il écrira de nombreuses pièces que pour l'English Opera Group qu'il gratifiera de ses opéras Nelson, A Dinner Engagement, Ruth et Castaway.
Le présent disque regroupe une sélection de pièces pour instrument seul ou petit ensemble à géométrie variable, composées entre 1936 et 1982. La musique de Berkeley sent indéniablement la France par son style racé et la grande portée de la richesse des timbres. Ainsi les partitions des années trente ne sont-elles jamais loin de l'esthétique parisienne polissonne de l'entre-deux-guerres : les Cinq petites pièces pour piano Op.4 (1937), composées à l'intention du pianiste et résistant corse José Raffalli, flirtent avec le Poulenc des Promenades. Tandis que les Trois pièces pour clarinette (1939) respirent le Stravinsky néo-classique, les réalisations plus tardives, comme le Duo pour violoncelle et piano Op.81 n°1 se caractérisent par cet intérêt envers la sonorité, même si le discours se fait plus rigide et plus ténébreux. Le Concertino pour flûte, violon, violoncelle et piano Op.49 (1955) apparaît comme le petit bijou de cet album ; cette partition mélange les formes et les styles. Après un Allegro de forme sonate, on trouve deux arie au ton mélancolique et prenant, pour violoncelle et flûte, puis pour violon et piano. La partition se termine par un jovial Rondo.
L'ensemble australien Schirmer – Len Vorster (piano), Masahide Kurita (flûte), Deborah de Graaff (clarinette), Elisabeth Sellars (violon), David Berlin (violoncelle) – regroupe une partie de l'élite instrumentale des antipodes. Cette formation réussit à se fondre dans le style du compositeur et à habiter une musique qui pourrait paraître fastidieuse sous des doigts moins habiles. L'attrait de cet album, enregistré dans l'acoustique flatteuse du Melba Hall de l'Université de Melbourne, est rehaussé par une prise de son d'un grand réalisme. Un très beau disque qui apporte un éclairage essentiel à notre connaissance de la musique anglaise.
PJT