Chroniques

par bertrand bolognesi

Sebastián de Albero
Sonates pour clavecin (XVI à XXX)

1 CD Pierre Verany (2024)
PV 723051
Le claveciniste Mario Raskin poursuit sa belle aventure Sebastián de Albero...

Après en avoir gravé la première moitié en un disque paru chez le même label dont nos colonnes s’étaient d’ailleurs fait l’écho, le claviériste argentin Mario Raskin a clos l’aventure par ce second volume. Encore retrouvons-nous ici l’instrument Christian Kroll (1776) du Château de Villarceaux, l’artiste ayant poursuivi in loco l’exploration du recueil, enregistré, cette fois, par Étienne Collard, en mars 2022.

Laissant le lecteur se tourner vers la brève présentation publiée il y a deux ans [lire notre critique du CD], gardons-nous de nous trop répéter ici. Pour résumer, nous avions situé ces sonates de Sebastián de Albero (Roncal, 1722 – Madrid, 1756) entre les factures de Domenico Scarlatti et d’Antonio Soler. Plus encore que dans les quatorze premières pages, conclues par une fugue (comme c’est encore le cas de cette seconde section), la manière du Napolitain semble s’imposer à l’écoute, avec ses ritournelles obsessives, volontiers inquiètes, par-delà des apparences que d’aucun aiment à croire frivoles. Même urgence à parler avec le clavier, même obstination, souvent mélancolique. Les numéros se suivent deux par deux par tonalités.

Le disque est ouvert par la seizième sonate, un Andante presque tourmenté, en sol mineur, où d’emblée se fait entendre un grément relativement discret, tandis que le temps se calme à peine à la fin de chaque partie. Indiquée Allegro moderato, la suivante nous semble plus aérée, pourtant, dans un climat presque méditatif que dessine un usage précieux du chromatisme. Le résultat confine au mystère… à l’instar du texte à la fois farceur et poétique de Mario Raskin lui-même, imaginant une conversation nocturne avec le compositeur. La Sonate XVIII paraît, quant à elle, marier les caractères des deux précédentes. A contrario, la dix-neuvième tournoie comme l’écureuil en sa cage, non sans évoquer une certaine angoisse. Et la vingtième de tomber des cintres, par l’enchantement de son capricieux ornement, de même parentèle que la vingt-troisième… et ainsi de suite.

Là encore, des moments suspendus dans un cantabile admirable, instants de grâce absolue qui invitent à plus ample rêverie – il s’agit des sonates XXV et XXII, secrètes et presque caressantes. Passé l’heureux carillon de la vingt-neuvième, dont le cœur soudain vient contredire la plaisante humeur, se déploie l’ultime fugue, dûment charpentée. « J’ai très vite compris qu’il aurait été impossible d’extraire quelques-unes de ces sonates car le tout faisait un corpus cohérent, savamment établi, avec une forme très bien étudiée », précise l’artiste : avec ces deux volumes, nos oreilles tiennent, pour ainsi dire, un essentiel auquel elles n’auront de cesse de revenir et de revenir, toujours et encore.

BB