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Chroniques
The music lovers
film de Ken Russell
« Le meilleur film de Ken Russel » (dixit Le Nouvel Observateur), voire carrément « culte » pour certains, est enfin disponible en DVD, plus de quarante ans après sa sortie en salle. C’est en effet en 1971 que le public découvrait The music lovers (La symphonie pathétique), un film grand public qui, profitant des révolutions sociales et culturelles en cours, faisait sortir l’homosexualité du cinéma underground – cf. la trilogie Paul Morrissey (1968-1972), portée par le mythique Joe Dalessandro. Et pas n’importe quelle homosexualité : celle de Piotr Tchaïkovski (1840-1893), un artiste dont chacun connaissait au moins le nom ou celui d’une de ses œuvres, sinon la musique. Comme l’explique le romancier et essayiste Dominique Fernandez dans la notice accompagnatrice :
« Le film retraçait fidèlement le calvaire qu’avait été la vie d’un homme dans un pays où son désir était frappé d’interdit. Mariage forcé – et catastrophique –, nécessité du refoulement, du mensonge et de la ruse, habitudes gardées secrètes, grevées d’humiliations et de chantage : oui, une existence de paria, malgré la gloire universelle du musicien. On reconnaissait son génie, on lui déniait le droit d’être lui-même ».
Ken Russell (1927-2011) met en scène Tchaïkovski (interprété par l’Américain Richard Chamberlain, symbole sexuel d’avant la décennie Shogun et Les oiseaux se cachent pour mourir) s’éloignant brutalement de son ami Chilouvski (Christopher Gable). Espérant vaincre ses démons, le musicien se décide à épouser Antonia Milioukova (Glenda Jackson), une jeune femme d’autant plus névrosée et exaltée que leurs étreintes sont limitées. Parallèlement, une relation toute épistolaire se noue avec Madame Von Meck (Izabella Telezynska), grande bourgeoise passionnée de musique qui le prend sous sa protection. Le bonheur amoureux des premières minutes du film est désormais hors d’atteinte…
Souvent qualifié de baroque, l’enfant terrible du cinéma britannique ne déçoit pas avec cette biographie revisitée de presque deux heures, parcourue d’emprunts aux partitions du natif de Votkinsk (Eugene Onéguine, Symphonie Manfred, Ouverture 1812, etc.), et qui annonçait d’autres biopics tourmentés de figures romantiques : Mahler (1974), Grand prix technique du Festival de Cannes qui déploie tout un cortège de douleurs intimes (prise de conscience de l’antisémitisme, suicide de son frère, mort de sa fille), et Lisztomania (1975), porté par les pop-stars Roger Daltrey et Ringo Starr.
LB