Chroniques

par irma foletti

Евгений Онегин | Eugène Onéguine
opéra de Piotr Tchaïkovski

Opéra de Toulon
- 28 mai 2019
reprise de la production de Garichot pour "Eugène Onéguine", à Toulon
© dr

L’Opéra de Toulon termine sa saison lyrique avec une représentation d’Eugène Onéguine, remarquable en tout point. D’abord, la production figurative et épurée d’Alain Garichot, créée en 1997 à Nancy et reprise depuis dans de nombreux théâtres de l’Hexagone, n’est certes pas nouvelle mais toujours aussi élégante et efficace. Dans la scénographie sobre d’Elsa Pavanel, les jolis costumes de Claude Masson et les quelques pas de danse chorégraphiés par Cooky Chiapalone, l’ensemble relève d’un traitement classique et respectueux de l’œuvre de Tchaïkovski, très bien accueilli par un public venu nombreux en ce mardi soir. Les troncs d’arbres, présents pendant la majeure partie du spectacle, composent l’ossature du décor unique et permettent des enchaînements rapides entre les scènes. Après le premier tableau en extérieur, on porte une méridienne vers l’avant-scène, un drapé blanc est suspendu aux cintres en travers du plateau, et nous voici dans la chambre de Tatiana. Réglées par Marc Delamézière, les lumières jouent efficacement avec les ambiances : nocturne lorsque la lune est projetée en fond de plateau, diurne ou crépusculaire.

Constitué d’une majorité de jeunes chanteurs, le plateau vocal est également exemplaire. Natalya Pavlova compose une Tatiana d’une grande beauté vocale, extrêmement touchante dans les passages les plus doux et éthérés, alors que les moments agités – vers la fin de la longue scène de la lettre, par exemple – manquent sans doute de mordant, d’ardeur, voire d’une certaine urgence [lire notre chronique du 22 janvier 2019]. Fleur Barron en Olga fait entendre un timbre d’une séduction extrême, d’une étoffe fort noble ; les graves sont émis naturellement, sans poitriner, les aigus s’épanouissent avec force, bref c’est la soliste qui nous impressionne le plus ce soir [lire notre chronique du 20 mai 2018]. Nona Javakhidze (Madame Larina) et Sophie Pondjiclis (Filipievna) sont elles aussi deux artistes affirmées, délivrant un chant sans excès caricatural, avec un vibrato un peu plus développé chez la première.

Szymon Mechliński est un solide Onéguine, baryton joliment timbré, à la voix saine et au style d’une certaine franchise, moins antipathique et cynique que d’ordinaire [lire nos chroniques du 2 novembre 2018 et du 15 mars 2019]. Le Lenski de Pavel Valuzhin emporte les suffrages, ténor limité en volume et dans la partie grave de la tessiture, mais d’une extrême élégance et très expressif. Éric Vignau est, quant à lui, un ténor de caractère qui convient bien au personnage de Monsieur Triquet, avec une belle diction avec quelques notes émises en mezza voce, tandis qu’Andreï Valentiy possède le creux dans le grave, attendu pour le Prince Grémine.

La direction musicale de Dalia Stasevska est souvent jubilatoire. L’énergie qu’elle déploie amène une forte dynamique à la musique. Un grand relief dramatique est dessiné dans les passages les plus noirs de la partition, comme lors du duel entre Lenski et Onéguine, les rythmes s’accélérant nettement lors des séquences de danse. Les musiciens sont à la hauteur pour suivre les intentions très inspirées de la cheffe, ce qui n’est pas exactement le cas des choristes, régulièrement en proie à de petits défauts d’intonation ou des décalages dans les attaques.

IF