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Chroniques
Présences George Benjamin – épisode 4
créations mondiales par le Trio Catch
Le cinquième rendez-vous de Présences, le festival de création mis en place par Claude Samuel il y a trente ans, succède ce même samedi au récital des organistes Thomas Lacôte et Karol Mossakowski, avec les cornistes David Guerrier et Hugues Viallon, consacré à Grisey et Messiaen, ainsi qu’à Lacôte lui-même. La présente chronique s’attache donc au numéro 5 dans la chronologie de cette édition, mais constitue le quatrième épisode de nos publications à son propos. Une nouvelle fois, n’oublions pas de remercier Radio France qui veille à nous accueillir malgré l’ostracisme buté de l’agence de presse chargée de la manifestation. À ce concert sans entracte l’on retrouve avec plaisir les dames du Trio Catch – Boglárka Pecze à la clarinette, Eva Boesch au violoncelle et Sun-Young Nam au piano – récemment entendu au Festival d’automne à Paris dans un programme Illés, Mundry, Pesson et Vivier [lire notre chronique du 7 octobre 2019].
Des quatre musiciens à l’affiche, ce moment débute par la première française de Pièges de neige de Mikel Urquiza (né en 1988) – une œuvre de 2018 créée le 19 février 2019 par Catch, à Cologne. Cinq séquences brèves plongent l’écoute dans l’univers sonore délicat du compositeur. Les saturations de la clarinette s’épanchent sur les interventions du piano préparé, non sans convoquer la raucité du violoncelle, jusqu’à un embryon de danse hargneuse. La deuxième partie est ouverte par un accord qui cingle l’aigu du piano et invente l’espace aux vols contrariés des deux autres instruments, comme en échos de falaise. À l’inquiétude du climat général répond la minutie des interventions de la pianiste sur le cordier. Après un ostinato évolutif, qu’on osera dire infernal dans son déploiement d’énergie, un élan entier dans les résonnances caractérise le quatrième mouvement, très pianistique et non dépourvu d’emphase. Urquiza [lire notre critique du CD de Bertrand Chavarría-Aldrete] conclut dans un trio de souffles, de sifflements, où chaque medium semble imiter les propriétés de ses partenaires, donnant ainsi naissance à un instrument indescriptible. Bientôt, le rythme l’emporte.
C’est toujours avec grand intérêt que nous suivons le chemin de Dai Fujikura (né en 1977), comme en témoignent nombre de nos pages [lire nos chroniques du 2 avril 2008, du 3 octobre 2009, du 5 avril 2012, du 5 mars 2015, du 17 décembre 2017, des 10 janvier, 9 mars et 2 novembre 2018, enfin du 29 janvier 2019, ainsi que nos recensions des CD Secret Forest, Flare, Vanishing Point, Ampere et my letter to the world]. Aussi connaissons-nous le lyrisme particulier de sa faconde, un lyrisme qui le distingue de bien des créateurs de sa génération. Donné ici en création mondiale, Hop surprend par une couleur qui flirte avec un certain néoromantisme, en un papillonnement tournoyant et virtuose inscrit dans une polarisation tonale, sans affirmer toutefois le retour à la tonalité. Ce nouvel opus articule une dramaturgie souterraine où les personnages-instruments se reflètent, échangent, etc.
Également joué en première mondiale, Février de l’Australienne Lisa Illean [photo] « explore la résonnance des sons et la manière dont ils s’agrègent » (brochure du festival). En préambule, la clarinette descend et le violoncelle monte ; ils se rejoignent. Naît alors un chemin d’accords doux, très égaillé dans le temps. Cette qualité, précisément, ainsi que la tendresse omniprésence dans toute l’œuvre et la parcimonie de l’invention lui donnent une couleur feldmanienne intéressante. Le 11 octobre 2007, au festival Musica (Strasbourg), Accroche Note faisait entendre Sanh du regretté Christophe Bertrand (1981-2010) [lire notre critique du CD] dont nous retrouvons aujourd’hui l’aura spectrale, à la croisée de tempéraments frottés, jusqu’à l’ultime et sèche mailloche – clac ! L’auditeur pourra prolonger le plaisir avec la dernière parution discographique du Trio Catch, consacrée à Borowski, Juon, Pesson, Rihm, Staud et Žuraj (label Bastille Musique) – nous en reparlerons.
BB