Chroniques

par laurent bergnach

Accroche Note et L’Itinéraire
compositeurs du baby boom

Paris de la musique / Salle Gaveau, Paris
- 4 octobre 2006
le compositeur français Tristan Murail photographié par Colin Samuels
© colin samuels

Tous les trois ans depuis 1994, musique nouvelle en liberté organise le festival Paris de la musique dont l’ambition est de mettre en lumière les principaux courants de la création musicale dans un face à face stimulant avec le grand répertoire classique. Les compositeurs cinquantenaires sont à l’honneur de cette nouvelle édition.

À 19h30, un premier concert de l’ensemble Accroche Note ouvre la soirée avec Ultima, œuvre de Philippe Manoury créée par lui-même à Strasbourg en 1996. Paradoxalement, ce trio pour clarinette, violoncelle et piano privilégie l’indépendance de chaque instrument. « Une situation peut être complètement harmonieuse, explique le créateur, c’est-à-dire que toutes les voix parlent de la même façon, même si elles ne s’expriment pas de manière identique. (…) J’ai cependant privilégié le court-circuit, lorsque le discours développe une idée provoquée par autrui, mais dans une situation assez insoupçonnée ». Tant dans la partition – une longue phrase tendue clôt la pièce – que sur scène, la clarinette d’Armand Angster, avec épaisseur et nuance, domine l’ensemble. Sa souplesse fait merveille dans les Quatre pièces Op.5 d’Alban Berg. En revanche, le jeu de Carine Zafirian apparaît tantôt cru, tantôt terne, avant d’aborder Debussy par les Chansons de Bilitis où le piano trouve enfin de la couleur. Expressive, d’une diction impeccable, le soprano Françoise Kubler s’approprie le texte au point de sembler une toute jeune fille. Son chant ample manque souvent d’égalité, mais l’émotion est là. Le Trio Rombach, à l’origine pour piano, violon et violoncelle, termine le programme. Dans cette œuvre de 1997, Pascal Dusapin cherche à estomper la tessiture, l’articulation et le timbre particuliers des trois instruments. Le violoncelle fluide de Christophe Beau est d’une grande délicatesse, mais peut aussi s’avérer trop discret.

L’ensemble L’Itinéraire prend le relais à 21h, et rend hommage à deux de ses fondateurs.
À l’âge de cinquante-deux ans, Gérard Grisey nous quittait en 1998, laissant une poignée d’œuvres marquante parmi lesquelles Les Espaces acoustiques (1974-1985). Deuxième de ce cycle de six pièces, Périodes fut créé le 11 juin 1974 à la Villa Médicis. C’est avec grande souplesse, une délicatesse pleine de légèreté respectant le désir d’intimité du compositeur que Jean-Loup Graton dirige cette partition, captant l’attention dès le départ, pour ne jamais la perdre. Concentration identique des interprètes pour La barque mystique (1993) de Tristan Murail [photo] qui, pour son auteur, possède « une orchestration miniaturisée qui fonctionne comme une pièce d’horlogerie. Les instruments changent de rôle à chaque instant, les alliages varient sans cesse ; le tout devant concourir à l’édification de formes globales ». La soirée s’achève avec la célèbre Sonate pour deux pianos et percussions (1938) composée par Bartók en réponse à une commande du mécène Paul Sacher. On aura été sensible au côté swing des pianistes Fuminori Tanada et David Chevalier, ainsi qu’à la frappe redoutable de la percussionniste Isabelle Cornelis.

LB