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Ferdinand Hérold | Zampa ou La fiancée de marbre (en concert)
Hélène Carpentier, Cyrille Dubois, Julien Henric, Héloïse Mas, etc.
Depuis quelques années qui commencent à devenir nombreuses, maintenant, le Palazzetto Bru Zane (PBZ, Centre de musique romantique française de Venise) mène un travail essentiel et passionnant de résurrection d’ouvrages tombés en désuétude et de mise en valeur du répertoire romantique français de l’Ottocento. C’est dans cette démarche que s’inscrit la présentation, ce dimanche au Prinzregententheater de Munich, en version de concert, de Zampa ou La fiancée de marbre, opéra-comique en trois actes de Ferdinand Hérold, trop longtemps oublié quoique l’Ouverture soit restée au programme de nos orchestres où il fait figure de joyau. Lauréat du Prix de Rome, Hérold (1791-1833) mêla dans sa facture la vivacité d’écriture idiomatique, sous influence de l’opéra italien, et une veine dramatique volontiers noire, qui s’inscrivit dans la naissance du romantisme en musique. À sa première du 3 mai 1831, au Théâtre Ventadour (devenu plus tard notre actuel Opéra Comique), Zampa remporta le succès, qui ne fut pas démenti durant plus de quatre décennies.
L’argument du livret de Mélesville – pseudonyme d’Anne-Honoré Duveyrier (1787-1865) – assemble en son chaudron séduction, brigandage, traitrise et vengeance des forces obscures : autant d’ingrédients choisis pour un bon drame romantique. Le rôle-titre est un pirate amoureux de Camille qui est promise à son rival Alphons de Monza, quand une femme autrefois séduite par le loup de mer, Alice, survient post-mortem sous forme de statue de marbre pour l’attirer dans le néant, à l’instar du Commandeur féminin qui, lui, n’aurait pas été convié par l’abuseur. Par des cordes gracieuses et toniques, une petite harmonie incisive, notamment des cuivres de fort belle tenue, le Münchner Rundfunkorchester signe une lecture très satisfaisante de l’ouvrage. Au pupitre, Erik Nielsen mène son monde avec une énergie fièrement inspirée qui sert au mieux la dualité de la partition – entre légèreté de bon aloi et sombre romance tragique. Il revient aux artistes du Chor des Bayerischen Rundfunks de faire sonner cette page sensible, cependant pas toujours exactement honorée par une diction un peu malaisée de notre langue.
Si l’on regrette de ne pas pouvoir apprécier Zampa sur une scène lyrique, la présente approche grâce au concert (qui fait l’objet d’un enregistrement bientôt publié par le PBZ), offre un plateau vocal de grande qualité. À commencer par le rôle-titre, impeccablement tenu par l’excellent Julien Henric dont on admire la souplesse de l’émission, la couleur vocale et les ressources d’expressivité [lire nos chroniques d’Anna Bolena, Turandot, Norma, Hamlet, Roméo et Juliette, Lucie de Lammermoor, Guercœur, Tristan und Isolde et Dialogues des carmélites]. En Camille, l’impact brillant du soprano Hélène Carpentier charme sur l’ensemble de la tessiture, marquée par une fraîcheur et un chant agile qui rendent attachante la jeune héroïne [lire nos chroniques de Die Schöpfung, Ariane et Barbe-Bleue, Stabat Mater Op.58 et Les pêcheurs de perles]. On retrouve avec joie le ténor Cyrille Dubois tellement efficace dans ce répertoire : sa voix claire et son chant assuré campent ici Alphonse de Monza drapé dans sa dignité [lire nos chroniques du Désert, de Mitridate, Così fan tutte, Le domino noir, La reine de Chypre, Phryné et Don Giovanni]. Les rôles secondaires ne déméritent pas, au contraire, avec la Ritta déliée du mezzo-soprano Héloïse Mas, projetée avec avantage [lire nos chroniques de Don César de Bazan, Carmen, Les Troyens à Carthage et Werther], et le Dandolo amusant de Pierre Derhet [lire nos chroniques de Tosca, Robert le Diable, Platée, L’amour des trois oranges et La fille de Madame Angot]. On apprécie une nouvelle fois le talentueux François Rougier [lire nos chroniques d’Il mondo della luna, Le marchand de Venise, Ali Baba, Les Huguenots, Madame Favart, Lakmé, La dame blanche et Belboul], ténor parfaitement à son aise en Daniel, servi par un style idéal.
Bravo aux chanteuses et chanteurs, aux musiciens, aux choristes comme au chef, ainsi qu’aux Münchner Rundfunkorchester et Palazzetto Bru Zane, en coproduction pour cet événement toujours inouï qu’est la renaissance d’une œuvre que la postérité avait laissé dans le fossé. Le directeur d’une maison d’opéra osera-t-il pousser plus loin l’aventure ? On l’espère vivement.
KO
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