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L’après-midi d’un faune – Daphnis et Chloé
chorégraphies de Thierry Malandain
C’est avec une création chorégraphique que le Théâtre du Capitole referme sa saison, à la Halle aux grains. Reçu le 6 avril 2022 à l’Académie des beaux-arts, dans une neuvième section récemment réouverte après deux siècles d’oubli, Thierry Malandain, qui siège désormais aux côtés de Blanca Li, Angelin Preljocaj et Carolyn Carlson [lire notre chronique du 14 juin 2022], compte parmi les figures marquantes du renouvellement de la danse classique. Il a développé son travail avec sa compagnie à Biarritz, sans renier le vocabulaire hérité.
Ainsi, sa lecture du Daphnis et Chloé de Ravel conjugue-t-elle une élégance athlétique et une fluidité du geste qui s’inscrivent instinctivement dans la scénographie décantée de Jorge Gallardo, habillée par les lumières apolliniennes de François Menou. L’opposition entre les couples, les amants éponymes face à Dorcon et Lycéion – avec une relative liberté avec le livret originel, le rôle se trouve renforcé – est accompagnée par des costumes qui mettent en relief la noirceur des pirates, sous la houlette du vigoureux Minoru Kaneko en chef de la flibusterie amoureuse. Le Daphnis de Ramiro Gómez Samón affirme une sincérité sensuelle complémentaire de la Chloé plus diaphane de Natalia de Froberville. On retiendra surtout le Pan empreint de volupté et de mystère assumé par Alexandre De Oliveira Ferreira, irradiant deus ex machina d’une intrigue dont la transfiguration est secondée par le vestiaire, dans des chatoiements dorés.
À la tête de l’Orchestre national du Capitole, Maxime Pascal cisèle les couleurs ravéliennes sans perdre de vue la construction dramaturgique de la symphonie. Le phrasé ondoyant traduit la transsubstantiation de l’antique opérée par la partition, sur laquelle se dépose un voile choral calibré par Gabriel Bourgoin. Le chef français équilibre la richesse de la facture sans renoncer à une lisibilité évidente, sinon une transparence lumineuse épousant la dévolution narrative.
En première partie de cette soirée sans entracte, Davit Galstyan faisait ses adieux à la scène dans L’après-midi d’un faune, également réglé par Malandain, sur l’iconique musique de Debussy, détaillée avec délicatesse par la même baguette. Dans l’épure de Gallardo, meublée de deux buissons blancs et d’une boîte dans la fente de laquelle le faune plonge à la fin de la pièce, le danseur étoile d’origine arménienne fait valoir une présence robuste, trapue, qui n’élude pas le paganisme érotique du personnage – et à laquelle répond la tension sublimante de Daphnis et Chloé. L’incarnation offre un résumé de la généreuse palette expressive du soliste, salué avec enthousiasme par le public, dans ce qui constitue un moment particulier dans une compagnie de ballet. À cet égard, ce beau doublé était on ne peut plus opportun.
GC