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Chroniques
La fille du régiment
opéra-comique de Gaetano Donizetti
Dans cette Fille du régiment qu’il présentait sur la scène du Nationatheater de Munich juste avant le dernier Noël, Damiano Michieletto propose une lecture d’une saine cohérence qui restitue à l’opéra-comique de Donizetti sa vitalité dramatique sans l’enfermer dans la convention patrimoniale. Loin de la simple illustration anecdotique, la reprise de cette fin novembre révèle un univers scénique limpide, sorte de fable moderne où le contraste entre nature libre et société corsetée éclaire le parcours de Marie. Précise et pétillante, la direction d’acteurs exige de chaque geste une nécessité, ce qui soutient constamment le rythme comique sans jamais sacrifier la tendresse ni la vérité des situations. Le décor épuré de Paolo Fantin fonctionne comme une boîte à images en mouvement qui laisse affleurer l’émotion au gré des transformations, tandis que les costumes exacerbent avec humour les codes sociaux que les personnages ont à dépasser. Quant au choix d’adapter les dialogues, il ne s’agit pas d’une trahison mais d’une manière de fluidifier l’action et d’en moderniser le discours, en mettant en valeur le nœud identitaire au cœur de l’ouvrage. Le metteur en scène réussit le pari délicat d’offrir un spectacle dont l’intrinsèque jubilation reste capable de faire entendre la portée toujours actuelle d’un opéra longtemps perçu comme léger.
Nous restons toutefois surpris par la distribution vocale réunie pour l’occasion, qui manque cruellement d’unité. Personne ne contestera au ténor souple et lumineux de Dafydd Jones sa place dans l’équipe, mais dans la maigre partie du Paysan. Luxueux, également, le recours à la basse Martin Snell dans le rôle de l’intendant Hortensius, plus que satisfaisant avec la profondeur du timbre et l’élégance de la projection [lire nos chroniques de Der Rosenkavalier et de La bohème], de même que l’agilité de Misha Kiria sert valeureusement le sergent Sulpice [lire nos chroniques d’Adriana Lecouvreur, Il trittico et L’Italiana in Algeri]. Quant à la merveille – car il en faut toujours au moins une ! –, elle s’appelle Jack Swanson : ce jeune ténor est d’une fiabilité invraisemblable, la sûreté de l’intonation est pur diamant quand l’habileté s’avère éclatante. C’est en belcantiste parfait qu’il magnifie le rôle de Tonio, le Tyrolien de l’affaire, avec une vaillance idéale [lire nos chroniques d’Il signor Bruschino, Così fan tutte et Il viaggio a Reims]. Mais il n’est résolument pas possible d’en dire autant de Dorothea Röschmann dont la voix semble ce soir dépourvue de ses qualités bien connues : sa Marquise de Berkenfield chevrote vaguement, mais elle ne chante guère [lire nos chroniques de la Quatrième de Mahler, Die Dreigrochenoper, Das klagende Lied, Don Giovanni, Otello, enfin des Nozze di Figaro à Paris puis à Londres]. Bien que dotée de moyens certains, Chelsea Zurflüh ne convainc pas vraiment en Marie : oui, le jeune soprano chante assez joliment ; oui, il est même tout-à-fait joli, d’ailleurs ; oui, il y a un timbre, une fraîcheur d’impact ; oui… mais la précision ? mais le style ? Ce n’était donc pas pour aujourd’hui, en tout cas.
En revanche, La fille du régiment, ouvrage donizettien finalement pas tant joué que cela [lire nos chroniques des productions de Laurent Pelly et de Luis Ernesto Doñas], n’a pas de secret pour maestro Antonino Fogliani qui sait en ciseler à loisir la verve riche. À la tête d’un Bayerische Staatsorchester soigneusement taquin, le chef sicilien, principalement grand rossinien, dose les effets, écoute minutieusement les voix et mène adroitement le jeu [lire nos chroniques de Giovanna d’Arco, Maria Stuarda, Semiramide, Guillaume Tell, L’Italiana in Algeri, Aida, La Cenerentola, Elisabetta, Ermione, Macbet, Nabucco, Le comte Ory et Fedora]. Malgré les réserves formulées, la soirée n’est pas mauvaise.
KO
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