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Chroniques
Attraction céleste
un portrait de Rudolf Noureev
Certaines légendes s'écrivent dès la naissance. D'ascendance tatare, Rudolf Noureev – Rudik ou Rudy, comme on l'appelait dans son enfance – voit le jour dans un compartiment du Transsibérien, près du Lac Baïkal, le 17 mars 1938. Il grandit dans un village aux environs d'Oufa (Bachkirie) où il s'initie à la danse folklorique avant de suivre des cours de ballet classique, à partir de onze ans. Peu encouragé par un père militaire, mais doté d'une bourse modeste, il en a dix-sept lorsqu'il part pour Leningrad, afin d'étudier plus sérieusement son art à la célèbre Académie Vaganova. Ses lacunes vite comblées, il remporte le concours national du ballet de Moscou en 1958. En novembre de la même année, il fait ses débuts comme soliste et membre titulaire de la compagnie du Kirov (Frondoso, dans Laurencia).
Le 16 juin 1961, en acceptant l'asile politique à l'aéroport français du Bourget, Noureev prive l'ancien Ballet Mariinski d'un de ses danseurs les plus talentueux. Outragée, l'Union Soviétique n'évoquera pas le succès occidental de cet artiste qu'elle condamne à sept ans de travaux forcés – et qu'elle mettra plus d'un quart de siècle à revoir, après l'avoir amnistié. En 1962, à Londres, il se produit pour la première fois avec Margot Fonteyn, sa partenaire favorite jusqu'au milieu des années soixante-dix, qui lui apprend la rigueur professionnelle, l'implication consciencieuse. En 1964, il signe la première de ses nombreuses adaptations de chorégraphies classiques (Massine, Petipa, etc.) et continue de se produire jusqu'au 8 octobre 1992, un an avant de disparaître.
« Son incroyable présence scénique, ses sauts d'une puissance et d'une envolée extraordinaire, son engagement passionné et sa sensualité fascinaient tous les publics » résume Vesna Mlakar dans une notice bien plus attachante que le documentaire qu'elle accompagne, cette destruction céleste signée Sonia Paramo. Manque-t-on à ce point d'archives filmées de la star que la frustration nous gagne à attendre ces rares moments de danse, réduits à quelques secondes, dans des vignettes cernées de noir ? De témoins, qu'il faille recueillir des avis ressassés du côté de la politique et du journalisme mondain ? De musiques, enfin, pour que les plus laides servent à habiller ces cinquante-deux minutes maigrichonnes ? Décevant autant qu'honteux…
LB