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Chroniques
récital Graham Anthony Devine
Berkeley – Maxwell Davies – Rawsthorne – Rodney Bennett – Walton
Dans la passionnante série Guitar Collection qui regroupe déjà les plus grands auteurs du répertoire pour l'instrument à six cordes (Albéniz, Piazzolla, Segovia, etc.), Naxos nous propose aujourd'hui une galette aussi précieuse qu'inattendue consacrée à la musique pour guitare composée outre-Manche.
On aurait tort d'assimiler la guitare et ses sonorités à un univers exclusivement hispanisant : les pièces réunies sur ce disque tendent à nous prouver que l'Espagne et l'Amérique du sud n'ont pas le monopole en cette matière, et que certains compositeurs anglais ont su développer un langage parfaitement original avec cet instrument. L'une des grandes figures tutélaires de la guitare britannique fut sans conteste Julian Bream qui, non seulement fut à l'origine de nombreuses commandes, mais renouvela notre approche de la musique Elisabéthaine pour luth – il se livra notamment à un travail d'édition important autour des œuvres de Dowland. Ce disque tout juste paru regroupe des œuvres commandées par Julian Bream à cinq grands compositeurs britanniques contemporains, ancrés plutôt dans la seconde moitié du vingtième siècle.
La seule œuvre de William Walton pour guitare est Five Bagatelles (1972), succession de cinq courtes performances pour guitare classique, aux accents discrètement hispanisants, qui ne sont pas sans rappeler l'univers plein d'indolence sophistiquée et de mollesse d'Erik Satie. Farewell to Stromness de Peter Maxwell Davies est une merveilleuse petite pièce de moins de quatre minutes, justifiant amplement à elle seule l'achat de ce disque à prix doux. Composée en 1980 sur la base d'une pièce pour piano The Yellow cake revue, elle déroule dans un style élégiaque et ouaté une mélodie venue à la fois du luth élisabéthain et d'échos lointains de Piccadilly Circus. Émouvante au delà de toute mesure.
Dans une veine élégiaque affichée (du grec elegeia : chant de deuil), mais moins créative, le compositeur Alan Rawsthorne propose, avec sa dernière œuvre (laissée inachevée en 1971), un paysage minimaliste et désespéré où la guitare évolue dans une atmosphère épaisse habitée par la mort. C'est Bream lui-même qui compléta la partition.
Suivent trois pièces de Lennox Berkeley (le grand copain de classe de Britten, alter ego certainement moins chanceux et moins talentueux). Tout d’abord, une Sonatina for Guitar Op.52 (1957) regorgeant de thèmes empruntés au répertoire folk britannique, très classique, équilibrée, avec ses trois mouvements solidement charpentés autour d'un touchant lento central économe de ses moyens. Une dizaine d'années plus tard, Lennox remet ça ; Theme and Variations for guitar (1970) s’avère une longue pièce de près de sept minutes, avec un thème et six variations dans lesquels résonnent des échos fragmentaires d'influences traditionnelles anglaises et françaises. Enfin, Four pieces est une œuvre de jeunesse, pleine d'entrain, de vigueur et de promesse, composée à la fin des années vingt lorsqu'il était l'élève de Nadia Boulanger à Paris. Sous l'influence directe de Segovia, elle lui est dédiée amicalement. Étrangement, ce n'est qu'en 2001 qu'elle fut jouée pour la première fois.
Le programme est complété par les Five Impromptus du contemporain Richard Rodney Bennett (né en 1936) : cinq miniatures composées en 1968, d'un accès assez difficile, mais dont le mystère se dévoile peu à peu au fil des auditions. La dernière pièce notamment, Arioso, est d'une grâce profonde toute particulière.
Graham Anthony Devine, guitariste classique britannique qui a passé une partie de sa jeunesse en Amérique du sud, est lauréat du Premier Prix de l’Alhambra International Guitar Competition de 2002, entre autres. Il enseigne au Trinity College of Music de Londres. On le sent particulièrement à l'aise dans ce répertoire qu'il interprète avec fougue et une certaine méticulosité musicologique. Bream aurait-il trouvé son héritier parmi les sujets de Sa Majesté ? Certainement. Le livret, minimaliste, écrit par Graham Anthony Devine lui-même est disponible uniquement en anglais et allemand (n'y aurait-il pas de mélomanes français ?). L'enregistrement de 2003, dans une église canadienne de l'Ontario (on voyage, on voyage…) est d'une qualité plus qu'honorable.
FXA